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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Soubise lui-même.
    Soubise avait, en effet, quelques raisons de craindre
l’avenir. En rendant Saint-Jean-d’Angély au roi, il lui avait demandé pardon.
Le pardon accordé, Louis lui avait, au surplus, rendu la liberté dont Soubise s’était
incontinent servi pour se révolter derechef contre son roi et lui prendre ses
villes. Or, Soubise se faisait peu d’illusions sur ses troupes. Avec ses sept
mille hommes, il se faisait fort, assurément, de battre n’importe quel
gouverneur de province que la couronne eût dépêché contre lui. Mais la présence
du roi changeait tout. Louis était l’oint du seigneur, objet de révérence et de
crainte. Sa légitimité valait plus qu’une légion. Et Soubise, quoique vaillant
sous les balles, perdait de sa superbe au fur et à mesure que le roi se
rapprochait de lui. Son imagination, quoi qu’il en eût, lui présentait des
chaînes, des prisons et l’épée du bourreau.
    Quand il apprit que l’armée royale quittait Nantes pour
gagner Challans, il s’enferma avec son armée dans l’île de Riez, petite île en
face de Saint-Gilles. N’ayant pas à proximité d’autre citadelle où se réfugier,
il choisit cette île-là en raison d’une particularité qui la rendait redoutable
à des poursuivants : elle était accessible à pied, mais seulement à marée
basse, laquelle, à cette époque, n’était vraiment basse qu’à la minuit. Tant
est que tout assaillant devait se dire que, même s’il réussissait à passer le
gué dans les ténèbres, toute retraite, si la fortune des armes lui était
contraire, lui serait interdite par la montée inexorable du flux derrière lui.
    Quand il parvint à la côte atlantique, Louis voulut
reconnaître le lieu où Soubise était retiré. Il gravit, avec les chefs de son
armée, une des dunes de sable dont le sommet donnait des vues sur l’île de
Riez. À tous, l’affaire parut pleine de périls : le passage du gué dans
les ténèbres, l’eau glacée en ce mois d’avril, l’armée mouillée et grelottante
au moment de se battre, et surtout, l’impossibilité de la retraite, si la
fortune nous était contraire.
    Les conseillers de Louis étaient pleins de réticences et
d’appréhensions. Par-dessus tout, ils n’eussent pas voulu que le roi hasardât
sa personne en cette périlleuse entreprise. Mais à ces objections Louis coupa
court.
    — Messieurs, dit-il, je ne me serais avancé jusque-là
pour rien, si meshui, je ne poussais pas ma pointe. Nous n’allons pas laisser à
l’ennemi le choix de combattre ou de fuir. Messieurs, n’ayez pas davantage peur
pour moi que je n’en ai moi-même. Ma cause est juste et Dieu m’aidera. Nous
passerons le gué à minuit.
    Ayant dit, il fit donner du pain à l’infanterie, envoya les
chevaux paître dans les prés de Saint-Jean-de-Monts et trouva pour lui-même un
gîte fruste à la métairie de l’Épine où, ayant soupé d’un croûton de pain et bu
un gobelet de vin, il fit jeter une casaque de chasse sur la paille qui était
là et s’endormit comme loir, étant resté cul sur selle pendant quinze heures.
    Ce gué, pour passer l’île, s’appelait le gué de Besse. À
minuit, la cavalerie, le roi à sa tête, le franchit la première en moins d’une
demi-heure, mais l’infanterie, passant par le gué de l’Épine, ne le trouva pas
si commode et se mouilla davantage. Une fois dans l’île, une surprise les
attendait. Les enfants perdus [48] qu’on
avait envoyés en éclaireurs vinrent nous dire qu’à une demi-lieue de là, ils
n’avaient pas vu trace de l’ennemi. Louis eut alors le loisir de déployer son
armée. La trouvant à l’inspection fort mouillée et même grelottante de froid,
il fit faire de place en place de grands feux avec les bois des maisons ruinées
qui se trouvaient là. Il ordonna aussi qu’on donnât derechef du pain aux
troupes.
    Pour ceux qui se battent, et de toute cette campagne, je ne
quittai pas le roi, la guerre n’est qu’une longue marche ou une longue
immobilité – toutes deux exténuantes. Le combat lui-même (sauf quand il
s’agit d’un siège) est d’une brièveté étonnante, ou du moins qui paraît telle,
dès lors qu’on s’en sort vivant.
    La nuit était d’un noir de jais et comme on ne pouvait
engager la bataille à tâtons, le roi décida d’attendre le jour et jamais jour
ne fut plus long à venir : on eût dit que le soleil répugnait à se lever
pour voir se répandre le sang et, qui pis

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