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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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s’indignaient que ces croque-testaments dont
eux-mêmes pâtissaient ne fussent, en fait, ni bonne chair, ni honnête
poisson : ils se disaient réguliers, mais où étaient leurs bures et leur
clôture ? Ils portaient la soutane, confessaient, donnaient la communion,
disaient des messes, vivaient dans le siècle, à l’occasion même revêtaient des
habits civils, se ceinturaient d’une épée, chevauchaient de grands chevaux et
non, comme les prêtres, de modestes mules. Mais par-dessus tout, ils refusaient
de reconnaître l’autorité des évêques.
    Les Gallicans, nombreux au Parlement, trouvaient les
Jésuites éminemment suspects, parce que leur vœu d’obéissance inconditionnelle  –
perinde ac cadaver [13]  –
ne s’adressait qu’à un général, qui était espagnol, nommé au surplus par le
pape, qui était italien, ce qui amenait à se demander si la politique que la
Compagnie défendait par des moyens occultes et parfois sanguinaires, était bien
compatible avec les intérêts de la France. En outre, le Vatican soutenant la
thèse que les papes, faisant les rois, pouvaient aussi les défaire (thèse que
le Tiers État, dans son ensemble, abhorrait), on pouvait se demander si cette
Compagnie, devenue en notre pays si puissante et si riche, ne soutiendrait pas,
le cas échéant, les prétentions insufférables de la papauté à dominer le
temporel.
    Mais d’un autre côté, un grand nombre de Français s’étaient
attachés passionnément aux Jésuites, les uns pour de bonnes, les autres pour de
mauvaises raisons et parfois pour les deux ensemble. Ceux qui haïssaient
l’hérésie protestante et auraient voulu voir éradiquer les huguenots en France
et en Europe par le fer et le feu les admiraient d’être partout les ardents
champions de la Contre-Réforme. D’autres, qui avaient été leurs élèves, ne
rêvaient que de placer chez eux à leur tour leurs enfants et portaient aux nues
leurs vertus éducatives. De grands seigneurs et de très hautes dames –
comme, par exemple, ma bonne marraine, la duchesse de Guise – étaient
raffolés de leurs suaves confessions qui rassuraient ces âmes bien nées sur
leur au-delà, en faisant de leurs pires péchés – l’adultère, la bougrerie
et la fornication hors mariage – des faiblesses de chair sur lesquelles il
convenait de cligner doucement les yeux, alors que de si hauts intérêts étaient
en question. Des Grands, comme le duc d’Épernon qui pourtant avait appuyé sous
Henri III la politique de rapprochement avec les huguenots, avaient fait
volte-face à sa mort, craignant d’encourir la mortelle inimitié des Jésuites.
Il s’abritait depuis avec une docilité exemplaire sous l’ombrelle de leur
toute-puissance.
    Il y avait enfin ceux, et ils furent nombreux le onze
février 1618, qui, ne voulant pas prendre position ni pour les Jésuites, ni
contre eux, sur une affaire pourtant aussi mineure que l’installation de l’une
de leurs écoles à Paris, s’excusèrent auprès de Sa Majesté de ne pouvoir
participer aux travaux du Conseil. Je le vis du premier coup d’œil en pénétrant
dans le cabinet des livres : un bon tiers des conseillers n’étaient pas,
ce jour-là, présents.
    L’affaire fut rondement menée. Le garde des Sceaux, Monsieur
Du Vair, exposa l’affaire équitablement avec arguments et raisons contraires,
ou comme il disait pro et contra, mais conclut néanmoins sans ambiguïté,
contre, disant qu’en son opinion, l’école où avait étudié Jean Châtel sous les
maîtres que l’on sait ne devrait pas être réouverte. Monsieur de Puisieux fit
remarquer que vingt-quatre ans s’étaient écoulés depuis l’attentement de Jean
Châtel, que les circonstances avaient changé, que les maîtres n’étaient pas les
mêmes et que c’était leur faire injure que de supposer qu’ils pussent tomber
dans les mêmes errements. Monsieur de Sillery opina mêmement. Le président
Jeannin, sans tout à fait se prononcer contre, remarqua qu’il aurait, quant à
lui, préféré que le collège fût confié à un ordre religieux qui, de par sa
constitution, serait soumis aux évêques français.
    Louis, le chapeau enfoncé sur les yeux, et les bras croisés,
écouta avec la plus grande attention les pro et contra, mais quand les
quatre ministres s’étant exprimés, il donna la parole à ceux des membres du
Conseil qui demeuraient debout, il n’eut guère de succès, sauf en ce qui
concerne le duc

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