Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
jeune de ses filles. Qui sait même s’il ne l’aura pas
lui-même décrassée au préalable dans son puits !
    — M’amie ! dis-je en riant, vous avez beaucoup
d’imagination. Mais elle vous égare en folles suppositions ! Pouvez-vous
douter de moi ?
    — Oui-da ! En ces temps de tristesse, je doute de
tout. De vous, de moi, de mon Palatinat et même de ma fortune. Savez-vous qu’en
mes Allemagnes, huguenots et catholiques aiguisent à’steure leurs couteaux pour
se couper la gorge et que mon fol et malheureux cousin, l’Électeur palatin,
s’est laissé nommer chef de la Ligue évangélique ? Mais savez-vous
seulement ce que c’est que cette ligue, Monsieur le Français ?
    — Assurément, Madame, je le sais. Il s’agit de la ligue
des principautés allemandes protestantes, lesquelles veulent résister aux
empiétements des principautés allemandes catholiques, et de l’empereur. Madame,
oubliez-vous que je suis membre du Conseil des affaires en ce royaume ?
    — Grand bien vous fasse ! Et grand mal me fera à
moi, si mon fol de cousin, le chef de cette stupide ligue, se rebelle un jour
contre l’empereur. Qui peut douter que comme le pot de terre toquant le pot de
fer, il ne soit à la fin brisé. Et en quelles mains tombera alors le
Palatinat ? Et dans le Palatinat, mes biens ?
    — Madame, vous avez à Paris votre hôtel, et à ce que
vous m’avez dit, des rentes.
    — En effet, je ne suis pas à la rue, et sans mes biens
du Palatinat, à condition de me rogner, je peux vivre. Mais que deviendra mon
pauvre Éric, le septième comte de Lichtenberg, si nos biens du Palatinat font
naufrage dans le remuement des factions ? Étant officier de l’Électeur
palatin, il ne pourra choisir que son camp. Et si l’Électeur est dépossédé de
sa principauté, Éric ne sera-t-il pas aussi dépossédé de ses terres ?
    Pour parler à la franche marguerite, tant j’étais à cet
instant plein de désir pour elle et si impatient que nous quittions ces discours
et ces raides chaires à bras pour gagner la douceur de son baldaquin que je
prêtais assez peu d’attention à ses appréhensions sur la perte de ses biens et
sur l’avenir du Palatinat, étant alors bien incapable d’imaginer que les
craintes de ma belle dessinaient en fait les premiers linéaments de ce terrible
fléau qui allait, pendant des décennies, s’abattre sur l’Europe et tuer tant de
gens : la guerre de Trente Ans…
    — M’amie, dis-je, n’allons pas de grâce gémir sur les
maux futurs, quand les maux présents nous suffisent !
    — En effet, dit-elle avec quelque douleur dans la voix.
Mais il demeure que vous partez demain pour Orbieu.
    — Mais, Madame, je ne vais pas m’y enterrer !
Savez-vous que j’ai déjà fait choix d’un intendant, et qu’il assurera en mon
absence le plus gros de mes obligations.
    — Il vous volera.
    — Je ne le crois pas. Monsieur de Saint-Clair est
gentilhomme et ce n’est pas à l’argent qu’il appête, mais à la vie champêtre.
Il était jusqu’à ce jour maggiordomo chez la comtesse d’Orbieu, mais
elle va vendre son hôtel parisien et s’établir à Florence dont elle est
originaire. Il s’est donc séparé d’elle sans larmes.
    — Étaient-ils du dernier bien ?
    — Pas du tout. La comtesse n’a que deux passions dans
la vie : le sommeil et la gourmandise.
    Je me tus. Madame de Lichtenberg se tut aussi, puis elle me
jeta un œil et baissa la tête, regardant le feu. Un long moment se passa ainsi,
pendant lequel nos yeux tantôt se croisaient et tantôt se séparaient pour
considérer les flammes.
    À la parfin, Madame de Lichtenberg se leva, s’éloigna de la
cheminée et dit :
    — Vous avez fait un feu d’enfer !
    — N’aurais-je pas dû ?
    — Si, mais maintenant j’ai trop chaud. J’ai beaucoup
trop chaud. Ma basquine m’étouffe ! De grâce, Monsieur, dégrafez-moi.
     
    *
    * *
     
    Mon père me conseilla, avec la plus vive insistance, de
mettre de la pompe et du faste dans ma première apparition à Orbieu. Et la
veille de notre départ, voyant en passant devant ma chambre que j’avais prévu,
en raison de l’excessive froidure de la saison, d’endosser ce jour-là un épais
pourpoint de buffle et chausser de fortes bottes, il me dit :
« Monsieur mon fils, que pensez-vous faire ? Allez-vous paraître
devant vos manants vêtu comme un petit capitaine ? Croyez-moi, vous ne
sauriez aller plus avant dans l’égarade ! Qui

Weitere Kostenlose Bücher