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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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avance caresser. Dans la chambre, après avoir fermé l’huis sur nous et
poussé le verrou, je jetai un fagot sur le feu, y ajoutai des bûches et devant
ce feu d’enfer, bien propre à susciter en effet, du moins en moi, de damnables
pensées, je m’assis à une bonne toise d’elle sur celle des deux chaires à bras
qu’elle avait laissée vacante et poursuivis mon apologie. Je lui assurai que
les seules filles jeunes qui se trouvaient à la Cour étaient les filles
d’honneur de la reine, lesquelles, comme leur maîtresse, étaient espagnoles,
nation que j’abhorrais. En outre, elles étaient habillées pour la plupart de
noir funèbre, comme des nonnes, et ne faisaient en leur parladure que se
gausser entre elles des Français. Pour Madame de Luynes, il était constant, en
effet, qu’elle m’avait donné le bel œil, mais en cette solennelle cérémonie où
son regard n’eût dû demeurer fixé que sur son seul époux, elle l’avait donné à
tous, même au roi.
    Je fis alors une petite pause, m’avisant tout soudain que
j’avais à lui conter un conte vrai, quoiqu’à vue de nez invraisemblable, dont
tout le Louvre parlait et qui aurait peut-être le talent de la distraire des
angoisses de sa jalousie.
    — Eh quoi ! dit Madame de Lichtenberg qui, par
l’effet de sa stupéfaction, parut bel et bien oublier ses imaginaires griefs
contre moi, la friponne aurait eu le front, le jour de son mariage, de donner
le bel œil au roi !
    — Oui, Madame, et qui pis est, Sa Majesté n’y est pas
restée insensible.
    — Que me chantez-vous là ? Le roi sensible aux
grimaces de cette archicoquette !
    — Oui, Madame, il l’est, à n’en pas douter. Toute la
Cour en bée d’étonnement. Le roi, devant aller chez la reine, s’attarde chez sa
surintendante, saisit toutes les occasions de la voir, et quand il la voit,
n’étant pas grand parleur, il la contemple longuement sans dire un mot. Vous
croiriez un béjaune à son premier amour.
    — Et la petite reine s’en est-elle aperçue ?
    — Madame, qui ne s’en apercevrait ? Tout le Louvre
le sait ! Du grand chambellan au plus petit vas-y-dire ! Il n’est
soubrette qui n’en jase en faisant les lits, ni officier des gardes qui ne s’en
gausse en prenant la relève, frétillant d’aise à l’idée que Luynes pourrait
être cocu.
    — Luynes est-il si mal aimé ? Je le croyais
aimable.
    — Mais il l’est ! Cependant, lui, ses frères, ses
cousins, ses petits-cousins et toute sa parentèle, accourue du Midi par
batelées entières, raflent tout : les places, les titres et les pécunes.
Cela aigrit beaucoup de gens.
    — Revenons à la reine ! Que fait la pauvrette en
ce prédicament ?
    — Madame, elle pleure, elle gémit, elle est dans les
alarmes. En désespoir de cause, elle a prévenu l’ambassadeur d’Espagne, lequel
a alerté le nonce, lequel a approché, très à la prudence, le confesseur du roi,
le père Arnoux. Celui-ci, Jésuite subtil, les a d’un mot rassurés :
« Qui dit tentation ne veut pas dire chute. »
    — Fi donc ! dit Madame de Lichtenberg avec le
dédain d’une huguenote pour nos pratiques papistes : à quoi sert la
confession sinon, en cas de besoin, à en trahir les secrets ?
    — Mais, Madame, le père Arnoux s’est borné à énoncer
une maxime générale. C’est nous qui l’interprétons.
    — C’est là tout justement des façons de Jésuite !
Et vous, Monsieur, pour la jésuiterie, vous ne craignez personne ! Vous
avez le front de me venir voir après une longue absence et c’est pour
m’annoncer que vous partez demain pour votre domaine d’Orbieu !
    — Mais je vous l’ai déjà dit, Madame, je n’y resterai
que le temps qu’il faudra pour remettre de l’ordre !
    — Mais ce temps-là sera bien plus long que vous ne
pensez et là-bas, loin de moi, vous ennuyant fort dans votre plat pays, vous ne
faillirez pas d’encontrer une fraîchelette paysanne qui sera bien aise de
s’occuper de son seigneur pour la gloire qu’elle en recevra en son village et
les avantages que cela vaudra à son père.
    — Une fraîchelette paysanne ! dis-je en riant. Le
marquis de Siorac, qui y fut avant moi, n’a vu à Orbieu que de crasseuses
malitornes.
    — Il n’était pas le seigneur ! Et on ne lui a pas
tout montré ! Mais un jour, un de vos manouvriers qui sera en lourde dette
avec vous, et ne saura comment vous payer, vous enverra porter une douzaine
d’œufs par la plus

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