Les Seigneurs du Nord
consécration de l’église et aux fiançailles d’Æthelflæd.
Hild, accompagnée des autres nonnes de Wintanceaster, était dans la foule, alors
que Ragnar, Brida et moi, étant arrivés en retard, dûmes rester tout au fond de
l’église. J’étais plus grand que la plupart, mais je ne vis que fort peu de la
cérémonie interminable. Deux évêques dirent des prières, des prêtres firent des
aspersions d’eau bénite et un chœur de moines chanta. Puis l’archevêque de
Contwaraburg prêcha un long sermon qui, bizarrement, ne disait rien de la
nouvelle église ni des fiançailles mais fustigeait le clergé de Wessex qui
portait des tuniques courtes au lieu de longs frocs. Cette pratique bestiale, tonna
le prélat, avait offensé le Saint Père à Rome et devait cesser sous peine d’excommunication.
Auprès de nous, un prêtre ainsi vêtu s’accroupit pour avoir l’air d’un nain en
longue robe. Les moines chantèrent de nouveau, puis mon cousin, rouquin et
outrecuidant, s’avança en se pavanant vers l’autel, tandis qu’Æthelflæd y était
amenée par son père. L’archevêque marmonna, on les aspergea d’eau bénite, puis
les nouveaux fiancés furent présentés à l’assemblée qui les acclama docilement.
Æthelflæd fut rapidement emmenée pendant que
les hommes félicitaient Æthelred. Il avait vingt ans, onze de plus qu’Æthelflæd.
Ce petit rouquin suffisant était tout imbu de lui-même, fier d’être le fils de
son père, grand ealdorman de la Mercie du Sud. Cette région était la moins
infestée de Danes, et un jour Æthelred deviendrait le chef des Saxons de la
libre Mercie. En un mot, c’est parce qu’il pouvait offrir une grande partie de
la Mercie au Wessex que la fille d’Alfred lui avait été promise. Il descendit
la nef en saluant les seigneurs de Wessex et fut surpris en m’apercevant.
— J’ai ouï dire que tu avais été capturé
dans le Nord, dit-il.
— Je l’ai été.
— Et te voici. Tu es l’homme qu’il me
faut. (Il sourit, convaincu que je l’aimais bien, ce en quoi il se trompait
lourdement. Mais Æthelred croyait que tout le monde l’enviait et voulait être
son ami.) Le roi, me dit-il, m’a honoré du commandement de sa garde personnelle.
— Vraiment ? m’étonnai-je.
— Du moins jusqu’à ce que je succède à
mon père.
— Ton père se porte bien, j’espère ?
demandai-je, sarcastique.
— Il est mal, fit Æthelred, apparemment
ravi de cela. Dieu sait donc combien de temps je commanderai la garde du roi. Mais
tu me seras de grand usage si tu acceptes de servir dans ces troupes.
— Je préférerais encore pelleter du purin,
répondis-je. Tu te souviens de Brida ? Tu tentas de la violer, il y a dix
ans.
Il s’empourpra et se hâta de déguerpir. Brida
éclata de rire puis s’inclina, car Ælswith, l’épouse d’Alfred, passait devant
nous. La reine nous ignora, car elle ne nous avait jamais aimés, mais Eanflæd
nous sourit. C’était la dame de compagnie d’Ælswith, et je lui envoyai un
baiser du bout des doigts.
— Elle était putain de taverne, soufflai-je
à Brida, et la voici maîtresse de la maison du roi.
— Grand bien lui fasse, dit Brida.
— Alfred sait-il qu’elle était putain ?
— Il fait semblant de l’ignorer.
Alfred arriva le dernier. Il avait l’air mal
en point, mais cela n’avait rien d’inhabituel. Il s’inclina légèrement vers moi,
mais il ne dit rien. Beocca se précipita alors que nous attendions la fin de la
cohue.
— Tu dois aller voir le roi après sexte, me
dit-il. Et toi aussi, seigneur Ragnar. Je vous ferai mander.
— Nous serons aux Deux Grues, répondis-je.
— Je ne comprends point pourquoi vous
aimez cette taverne.
— Parce que c’est un bordel, bien sûr. Et
si vous y allez, mon père, n’oubliez point de marquer d’une encoche l’une des
poutres pour montrer que vous avez troussé l’une de ces dames. Je vous
recommande Ethel. Elle n’a qu’une main, mais c’est miracle ce qu’elle sait
faire avec.
— Oh, Seigneur Dieu, Uhtred ! Ton
esprit est un véritable cloaque. Si je me marie jamais, et je prie le Ciel pour
connaître ce grand bonheur, c’est pur que je connaîtrai ma promise.
— Je le souhaite moi aussi, mon père, dis-je,
sincère.
Pauvre Beocca. Il était si laid. Il rêvait de
se marier, mais il n’avait jamais trouvé d’épouse et cela ne risquait point d’arriver.
Maintes femmes voulaient l’épouser, malgré ses
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