Les templiers
porteur d’un message demandant à la garnison de démanteler le château et de regagner la Roche-Guillaume. De peur que le messager n’arrive à temps, le conseil tomba à genoux, priant Dieu de donner assez de sens au Commandeur pour agir selon son bon gré.
« Et quand il fut là, le frère Pelestrot, qui portait le message, trouva qu’ils avaient démantelé le château, comme il est dit ci-dessus. Le frère les trouva à la Roche-Guillaume et les ramena à Acre où les frères de Gastein demandèrent miséricorde d’avoir abandonné le château. »
C’est alors que se déroula un débat capitulaire de la plus grande importance. D’après le message du Maître, on pourrait penser qu’une grâce ait été rendue à Dieu pour ce miracle, les frères de Gastein ayant anticipé les vues et volontés du Conseil. Bien au contraire, on discuta longuement et on se posa la question : « Pouvaient-ils demeurer encore dans la maison ? » Il est vrai que selon la Règle – et les Templiers la suivaient scrupuleusement – , tout abandon de poste était condamné par le renvoi de l’Ordre. Malheureusement, la moitié du folio 56 verso du texte, ne nous permet pas d’en savoir davantage. Le Maître demanda certainement avis à d’autres dignitaires, en Espagne ou en France. Quoi qu’il en soit, les avis donnèrent raison au Commandeur et à ses compagnons. Ils furent toutefois punis d’un an et un jour. Cette peine infamante, d’après les Égards, n’empêcha pas Gérard de Sauzet de se retrouver, à la fin de sa vie, commandeur d’Auvergne.
Gastein pris, le Temple reçut encore un coup très dur. Mais le Maître fut courageux et eu surtout une attitude loyale pour maintenir la Règle. Et l’affaire du Maréchal de l’Ordre est une preuve de l’honnêteté de Thomas Béraud.
À cause du Maréchal Étienne de Sissey, le Temple fut aux prises avec le pape Urbain IV. Déjà l’affaire d’Hugues de Jouy l’avait brouillé avec Louis IX. Ces deux cas furent humiliants pour l’Ordre qui, chaque fois, dut faire amende honorable.
Lors du scandale d’Étienne de Sissey, quatre bulles pontificales furent envoyées, mais elles nous renseignent mal sur le motif de l’affaire. Urbain IV, au mois de septembre 1263, convoqua ledit frère à Rome et le déclara indigne et déchu de son rang. C’est alors qu’intervient un point particulier du droit templier qui montre l’indépendance totale de l’Ordre. Étienne refusa de renoncer à sa charge de Maréchal : ce n’était pas le pape qui l’avait nommé, mais le Chapitre et le Maître. En agissant ainsi, il ne faisait que respecter les Règles de l’Ordre. Il ajouta que jamais il n’avait entendu dire qu’un pape se mêlât des affaires internes de l’Ordre ; pour lui, il avait toujours servi le Maître et le Chapitre aussi honnêtement que le voulaient les statuts. Urbain IV l’excommunia sur le champ et « il s’en retourna à son couvent en état de contumax. »
Jusqu’à présent on a vu dans Étienne de Sisscy le traître de l’Ordre. On l’accusa d’avoir abandonné en 1260 le seigneur de Barut non loin d’Acre. Or, d’après le manuscrit arabe 1312 de la bibliothèque de la Grande Mosquée de Constantinople, nous savons qu’il n’en est rien. Seulement étourdi, le Maréchal fut laissé pour mort. Ce texte est repris en entier dans notre Histoire générale de l’Ordre du Temple, au tome VIII. Le Maréchal tint bon, non pas avec l’assentiment du Maître, mais du couvent en entier. Il se cacha au Temple de Paris, puis dans la Commanderie de Cer- talla en Italie, en attendant la mort d’Urbain IV. Lorsque Clément IV fut élu, Étienne crut que l’affaire allait s’estomper, mais le nouveau pape écrivit au Maître trois bulles d’une très grande sévérité. Le Maréchal vint se jeter aux pieds du pape et implora le pardon. L’excommunication fut retirée, mais Clément IV lui fit jurer de rentrer en Palestine, où il dût, suivant les statuts, faire la pénitence d’un an et d’un jour. La brouille papauté-Temple ne dura pas.
Nous devons revenir sur l’acte d’accusation contre Thomas Béraud qui est à l’origine de la corruption du Temple. On doit cela à deux chroniques, le continuateur de Guillaume de Tyr et Gérard de Montréal, auteur de la troisième partie des Gestes chypriotes qui voit et fait de l’affaire du Maréchal du Temple un crime passionnel. Ce dernier nous dit que « le
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