Les templiers
stratégique se montrèrent une nouvelle fois. Il entra dans la forteresse de Tortose et encouragea les frères de la garnison à poursuivre la lutte. Saladin assiégea la ville. Les Francs et les Templiers se réfugièrent dans l’immense tour donjon. Elle résista à tous les assauts du Sultan qui leva le siège. Le Maître du Temple alla retrouver le faible et lâche Lusignan, aux prises avec les infidèles devant Acre. Était-il fatigué d’être traité de lâche ? Au moment où Gérard de Rideford le rencontra, il assaillait la ville avec une petite force chrétienne composée d’amis et des débris des Couvents du Temple et de l’Hôpital. Alors que l’armée du Sultan cernait cette petite troupe, le roi et ses chevaliers montrèrent un grand courage ; on se serait cru aux premiers temps des Croisades.
Le 26 août 1189, Guy, sans s’arrêter à Tyr, parvenait à Casai Humbert. Le lendemain, les Francs apparaissaient à leur tour devant Acre. L’appel à la croisade avait été entendu : Italiens, Allemands, Champenois, Bourguignons, Danois, Frisons, Bretons, etc... arrivaient en Terre Sainte. Le 1 er octobre-1189, une bataille s’engagea. Le Maître du Temple fut tué, tandis que le roi tentait une sortie contre l’armée du Sultan et que le gros des troupes musulmanes, menacé par l’épidémie, reculait leur camp vers l’est.
La mort de Gérard de Ridefort ne paraît pas avoir été un grand malheur pour les Francs. Si l’on en croit la chronique du trouvère Ambroise, de nombreux soupçons pesaient sur le Maître. L’auteur semble les ignorer lorsqu’il déclare : « Et dans cette même affaire, fut tué le Maître du Peuple, celui qui dit cette bonne parole qu’il avait apprise à bonne école ; tous, couards et hardis, lui disaient lors de cette attaque : « Allez-vous en, Sire, allez ! » Il l’aurait pu s’il l’avait voulu. — « Ne plaise à Dieu, répondit-il, qu’on ne me revoie jamais ailleurs, et qu’on puisse reprocher au Temple que l’on m’est trouvé fuyant ! » Et il ne le fit pas et il y mourut, car trop de Turcs se jetèrent sur lui. » Remords ? Peut-être !
Selon les chroniqueurs arabes, le Maître du Temple ne mourut pas au combat. Prisonnier, il fut livré à Saladin qui le fit mettre à mort comme parjure. Cette mention des auteurs musulmans est un peu rapide. Si le Maître du Temple eut une stratégie et un comportement déplorables, il faut tout de même lui accorder une mort plus noble, malgré toutes les accusations portées contre lui, principalement celle d’avoir acheté sa vie par la reddition de Gaza. A cette occasion, les Templiers capitulèrent en 1188 et « auraient levé le doigt et crié la loi d’Allah ». Cela paraît absurde, étant donné que cette accusation fut portée contre d’autres croisés, surtout ceux que ne pouvait souffrir l’archevêque Guillaume de Tyr.
Cette accusation est d’autant plus déplorable qu’elle fut reprise par divers auteurs qui faussèrent complètement l’idée du Temple en ne recherchant pas la véracité des faits par des comparaisons avec d’autres chroniques ou textes.
Le successeur de Gérard de Ridefort fut élu au début de l’année suivante. Il prendra part à la Troisième Croisade et essayera de redonner au Temple sa renommée primitive. Le nouveau Maître n’était autre que Robert III, seigneur de Sablé. Marié deux fois, il avait un fils et deux filles.
Entré assez tardivement dans le Temple dont il était sûrement confrère, il prononça ses vœux à Acre, lors de l’arrivée des croisés. Ami de Richard Cœur de Lion, il se montra d’une grande vitalité et d’une très grande puissance de guerre. Administrateur et fin diplomate, il participa à la charte d’accord entre les Pisans et les croisés.
Malheureusement, le Couvent du Temple avait subi de grosses pertes. Décimée, depuis la maîtrise de Gérard de Ridefort, l’armée templière ne cessait de se renouveler, tout en gardant son esprit de corps. Les Templiers, quoi qu’on ait pu dire, se distinguèrent toujours par leur souci de défendre la foi. Au cours de la III e Croisade, ils firent preuve d’une discipline irréprochable et d’une discrétion telle que certaines chevaleries séculières ou religieuses les prendront pour modèles. Et il faut alors reconnaître qu’ils se rachetèrent largement des erreurs grossières commises sous la maîtrise de Gérard.
Amiral
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