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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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toute envie d’en refonder une.
    Mary étouffa une grimace douloureuse. Elle était assise à une des tables, distraite des comptes par Junior qui ne cessait de les appeler, elle et Niklaus, pour juger de leur joute. Elle s’amusa un instant des efforts de sa fille qui tirait une langue démesurée, tortillant son derrière potelé pour rester victorieuse contre le chiot, avant de repiquer du nez dans son travail. A ce rythme, elle en aurait pour la nuit. Or c’était la seule des tâches dont elle avait la responsabilité qui l’ennuyait. Elle n’avait qu’une envie, celle de gagner la chambre dès que le vétéran serait parti, et de se blottir dans les bras de son époux.
    Une nouvelle pointe se fit sentir qu’elle refusa de montrer de même. Elle ne se plaignait jamais de la douleur qui revenait comme un rhumatisme à son bassin. Elle savait que ses deux grossesses rapprochées et les conséquences de la seconde l’avaient meurtrie profondément et qu’il faudrait du temps encore pour l’en guérir totalement, même si les crises étaient de plus en plus espacées. Longtemps, leurs rapports charnels avec Niklaus s’en étaient trouvés perturbés. Pourtant, comme s’il avait pressenti ce qu’elle taisait, celui-ci n’avait jamais insisté si un rictus ennuyé ou douloureux froissait ses traits, ne lui faisant l’amour que lorsqu’elle le demandait, s’appliquant à son plaisir avec une douceur étonnante, se retirant d’elle avant de jouir, assurant qu’il préférait cela plutôt que de risquer de l’éprouver encore. Elle lui en savait gré et ne l’en aimait que davantage. Comblée chaque jour par leur complicité et par ces enfants qu’il lui avait faits.
    En deux années, la vie à l’auberge elle aussi avait changé. Frida était partie la première, demandée en mariage par un soldat qui, amoureux d’elle, n’arrivait pas à se résigner. Elle l’avait suivi sur les côtes flamandes pour l’y épouser. Peu de temps après, il avait fallu congédier cuisinier et musiciens, par manque de clientèle. Ne demeura plus que Milia à leurs côtés. L’auberge des Trois Fers à cheval voyait son enseigne rouiller doucement.
    Tout ce que le père de Niklaus avait prédit s’était réalisé peu à peu et Niklaus puisa dans ses réserves pour faire vivre l’auberge.
     
    — Tu penses à ton trésor, n’est-ce pas ? chuchota Niklaus en promenant ses doigts sur les hanches de Mary.
    Elles avaient désormais retrouvé leur fermeté, leur tonicité et leur galbe, et il aimait y prolonger les arabesques de ses doigts après l’amour. Dans la chambre à côté de la leur, les deux enfants dormaient paisiblement.
    Milia les avait couchés puis en avait fait autant. La porte de l’auberge bouclée et le vétéran parti, Mary et Niklaus étaient montés peu après. Junior ronflait, en écho à Toby enroulé en boule au pied de son lit, sur la courtepointe.
    Mary s’étira. Niklaus se trompait.
    — Je pense à tes parents, avoua-t-elle.
    Le visage de son époux se rembrunit.
    Huit mois après la naissance d’Ann, un incendie avait ravagé leur maison. On ignorait comment il avait pris. Le vent avait soufflé fort, cette nuit-là, et des branches d’arbre avaient frappé les habitations. On avait supposé qu’une lampe à huile, oubliée dans la salle d’étude du notaire, s’était renversée et embrasée.
    Ce n’était qu’une hypothèse.
    Le temps que les flammes réveillent les habitants, l’incendie avait ravagé la demeure et celle d’à côté, mitoyenne. Cinq personnes avaient péri. Quatre adultes et un nouveau-né.
    Niklaus avait eu du mal à s’en remettre.
    D’autant qu’il n’avait jamais réussi à faire vraiment la paix avec son père. Sa mère venait leur rendre visite en cachette, souffrant de cette clandestinité qui l’empêchait de profiter pleinement de ses petits-enfants. Mary avait tenté d’intercéder, mais rien n’y avait fait. Lucas Olgersen exigeait des excuses que le fils refusait de faire.
    Ils étaient bien trop fiers l’un et l’autre. Fiers et bornés.
     
    Niklaus délaissa la peau soyeuse de Mary pour s’allonger sur le dos, repliant ses coudes sous sa nuque. Ils demeurèrent un moment en silence, puis Mary poursuivit :
    — J’ai souvent pensé à la mort, nous l’avons tant bravée qu’elle a longtemps été plus une compagne qu’une ennemie, et cependant je ne parviens pas à admettre l’injustice de celle-ci, Niklaus. Elle

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