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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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rudement :
    — Arrête tes bêtises ! Que lui as-tu
fait ?
    Il se débattit, se libéra de leur étreinte et remit en
place ses vêtements avec dédain.
    — Rien d’autre que ce qu’un mari cocu est
autorisé à faire en un tel cas, et je vais bien sûr exiger l’annulation de ce
mariage factice !
    Cette saillie fut le signal d’une empoignade générale,
fleurie d’épithètes volant bas, qui mit aux prises non seulement les
Circassiens, mais avec eux les Arabes et les Arméniens. Ce fut alors un tel
tumulte hérissé de tirages de cheveux et de barbes, d’horions et de
tiraillements de vêtements qu’il s’écoula de longues minutes avant que
quelqu’un réussît à reprendre suffisamment le contrôle de lui-même pour parler
de façon cohérente et expliquer à ce détestable mari ce que, dans son
ivrognerie, il avait lui-même accompli, avant de l’oublier. Ce fut son père,
l’ostikan Hampig, qui, en pleurant, lui annonça :
    — Oh, infortuné Kagig, c’est toi-même qui
as défloré la jeune fille, la nuit dernière. Tu as trouvé judicieux et
distrayant d’anticiper sur tes droits d’époux. Tu es monté à l’étage et tu l’as
forcée dans ta couche, avant de venir t’en vanter ici même, dans cette salle.
J’ai dû payer chèrement de ma personne pour persuader ses proches de ne pas te
poignarder, précipitant ainsi son veuvage ! La princesse n’a pas commis le
moindre péché. C’est toi ! Et toi seul !
    Les injures, dans la salle, redoublèrent :
    — Cochon !
    — Charogne !
    — Pourriture !
    Kagig était devenu tout pâle, et ses grosses lèvres se
contractaient convulsivement. Alors, pour la première fois depuis que je le
connaissais, je le vis se comporter en homme. Il fit montre d’un réel chagrin
et exigea que l’on se vengeât effectivement de lui, qu’on le châtiât comme le
méritaient ses actes, criant cette phrase terrible :
    — Que les charbons de l’enfer brûlent sur ma
tête ! J’aimais vraiment la belle Seosseres, et je lui ai coupé le nez et
les lèvres !

 
18
    Mon père me tira par la manche, et, avec mon oncle, nous
nous glissâmes discrètement à travers la foule en ébullition, gagnant la sortie
de la salle du banquet.
    — Je ne mange pas de ce pain-là, déclara mon
père, l’air sombre. L’ostikan se trouve dans de sales draps, et tout souverain
qui a des ennuis est capable, par dépit, de les reporter sur son entourage,
quitte à lui en faire payer trois fois le prix.
    Je tempérai :
    — Il ne peut rien nous reprocher !
    — Quand la tête a mal, c’est tout le corps qui
souffre. Je pense qu’il serait sage de préparer nos montures pour un départ aux
premières lueurs du jour. Regagnons nos chambres et apprêtons nos bagages.
    Nous fumes alors rejoints par les deux dominicains,
qui exprimèrent vivement tout le dégoût, voire la nausée que leur inspiraient
les actes de Kagig, comme si eux seuls avaient été blessés dans leur
sensibilité.
    — Attendez, vous n’avez encore rien vu !
nota sans rire oncle Matteo. Il ne s’agissait encore là que de camarades
chrétiens. Quand nous aurons affaire à de vrais barbares...
    — C’est bien ce qui nous inquiète, justement,
avoua frère Guillaume. Nous sommes en train de comprendre que ces horribles
cruautés doivent être monnaie courante dans la lointaine Tartarie.
    Mon père fît remarquer placidement que nous avions
aussi entendu parler d’atrocités commises en Occident, de fait.
    — Peu importe, appuya frère Nicolas. Nous avons
les plus grandes craintes que notre ministère ne puisse agir efficacement sur
des monstres comme ceux que nous venons de voir. Nous souhaiterions nous
désengager de notre mission de prêcheurs.
    — Vous oseriez vous démettre ? (Mon oncle
toussa, puis se racla la gorge et cracha par terre.) Vous avez l’intention de
déserter, alors que nous ne sommes même pas encore en route ? Eh bien,
faites tous les souhaits que vous voudrez. Nous sommes engagés par une
promesse, et vous l’êtes tout autant que nous.
    Frère Guillaume intervint, glacial :
    — Frère Nicolas n’a peut-être pas été assez
clair. Nous ne sommes pas en train de vous demander votre permission, messires,
nous vous signifions notre décision. La conversion de brutes aussi épaisses
requerrait plus de... d’autorité que nous n’en avons. Comme le proclament les
Ecritures : « Détourne tes pas du mal. Celui qui touche à la
pourriture en est

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