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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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comique. Il en rajouta encore dans l’invraisemblance en
complétant ce dithyrambe sur son aspect physique par un récit relatif à ses propres
exploits, essentiellement marqués par la bravoure, l’ingéniosité et un courage
en acier trempé.
    Nous prêtâmes à ses rodomontades une oreille polie,
sans nourrir la moindre illusion quant à leur véracité. Mon père les compara
d’ailleurs ensuite à « une belle vigne, mais sans la moindre grappe de
raisin ».
    Quelques jours plus tard, lorsque mon oncle eut
confronté notre progression vers l’est avec les cartes du Kitab d’Al-Idrîsî,
il nous annonça que nous étions arrivés en un lieu d’importance historique. Selon
ses calculs, nous étions tout proches de l’endroit où le Roman d’Alexandre situe
la rencontre qui mit en présence, au cours de sa marche à travers la Perse, le
conquérant et Thalestris, la reine des Amazones, venue lui rendre hommage
accompagnée de son escorte féminine. Toutefois, aucun monument ne commémorant
sur place cet événement, nous en étions réduits à nous fier à la parole de mon
oncle.
    Au cours des années qui se sont écoulées depuis, on
m’a souvent demandé si j’avais pu trouver, au cours de mes voyages, le fameux
pays des Amazones, que certains nomment la terre de Féminye. Je ne le découvris
en tout cas pas en Perse. Plus tard, dans l’empire des Mongols, j’ai eu
l’occasion de croiser à de nombreuses reprises des femmes combattantes,
toujours dans une position subalterne, néanmoins, par rapport à leurs
compagnons masculins. On m’a également souvent demandé si, dans ces terres
lointaines, j’avais pu rencontrer le Prêtre Jean, aussi appelé dans d’autres
langues le Presbyter Johannes ou le Prester John, ce révérend à la fois
personnage mythique de nombreuses fables et véritable énigme historique.
    Depuis plus d’un siècle déjà, l’Occident bruit de
toutes les rumeurs à son propos. Descendant direct des Rois mages qui assistèrent
à la naissance du Christ, il serait donc à la fois d’essence royale et bon
chrétien lui-même. Il disposerait, en plus d’une immense sagesse, d’une fortune
importante et d’un pouvoir sans limites. Ce roi chrétien à la tête d’un vaste
royaume a bien de quoi enflammer, il est vrai, les imaginations occidentales.
En regard de notre vieil Occident fragmenté en tant d’insignifiantes nations
aux mains d’infimes roitelets, de petits ducs et consorts éternellement en
guerre les uns contre les autres, et de cette Chrétienté sans cesse déchirée
par de nouvelles sectes antagonistes et schismatiques, comment ne pas envisager
avec bonheur un pays peuplé de gens unis, en paix, sous la férule d’un homme à
la fois maître temporel et pontife suprême, dans une majesté sans égale ?
    De ce fait, lorsque nos contrées occidentales se sont
trouvées assiégées par des barbares païens venus d’Orient — Huns,
Tartares, Mongols ou Sarrasins musulmans –, leurs habitants se sont pris à
espérer et à prier avec ferveur que le Prêtre Jean surgisse de sa lointaine
retraite orientale afin de prendre à revers ces sauvages, lesquels
auraient alors été pris au piège, écrasés entre ses armées et les nôtres.
Hélas, jamais le monarque ne s’est aventuré hors de ses mystérieuses places
fortes, ni pour aider l’Occident chrétien lors des périodes pourtant si
fréquentes où il était menacé, ni pour faire la simple démonstration de sa
réalité. Alors, bien sûr, on peut légitimement s’interroger : existe-t-il
vraiment, et si oui, qui est-il ? Domine-t-il bel et bien un lointain
empire chrétien, et si oui, où est-il situé ?
    J’ai déjà émis l’hypothèse, dans la première version
publiée de mes voyages, que dans un certain sens le Prêtre Jean pourrait
en effet exister, mais qu’il n’est pas et n’a jamais été un potentat chrétien.
    À l’époque où les Mongols vivaient encore en tribus
séparées et désorganisées, ils appelaient khan leurs chefs de tribu.
Lorsque ces innombrables entités s’unirent sous la férule de Gengis, il devint
l’unique monarque de l’Orient et régna sur un empire assez semblable à celui
que la rumeur attribuait au Prêtre Jean. Depuis la mort de Gengis, tout ou
partie de ce khanat mongol a toujours été dirigé par l’un ou l’autre de ses
descendants, avant que son petit-fils Kubilaï devienne khakhan, l’étende
encore et en consolide la fermeté. Si tous ces

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