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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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indignes »,
ou pourquoi pas en « Poisson à friture ».
    Mais pas de danger, on ne trouve pas de poisson à
Kachgar. Du reste, notre aubergiste ouïghour nous en expliqua fièrement la
cause. Ici, dans cet endroit, nous dit-il, nous nous trouvions plus loin de la
mer qu’il était possible de l’être partout ailleurs sur la planète, qu’il
s’agisse des océans tempérés de l’est et de l’ouest, des mers tropicales du sud
ou des eaux gelées des régions boréales. Nulle part au monde, insista-t-il,
brandissant cet argument tel un authentique titre de fierté, on ne pouvait se
trouver aussi éloigné de toute mer. Kachgar n’avait pas de poisson non plus,
poursuivit-il, parce que la rivière du Passage était trop polluée des divers
rejets de la ville pour qu’aucun poisson y survive. J’avais déjà eu un aperçu
unique en son genre, que je n’avais jamais vu auparavant. Je veux parler de la
pierre qui brûle, que je découvris ici pour la première fois.
    En un sens, cette roche combustible formait l’opposé
exact de celle que j’avais vue à Balkh, avec laquelle on tisse les vêtements
ignifugés. Nombre de compatriotes de Venise qui n’ont pas voyagé se sont moqués
de ces pierres comme de chimères qui ne peuvent exister lorsque je les leur ai
décrites. D’autres, en revanche – des marins qui faisaient du commerce avec
l’Angleterre –, m’ont dit que cette roche qui brûle est d’un usage courant en
terre anglaise, où l’on s’en sert pour se chauffer. Ce que nous appelons
lignite y est connu sous le nom de koble. En terre mongole, on
l’appelait tout simplement la noire, kara, en raison de sa couleur. Elle
court en strates peu profondes situées juste en dessous du sol jaune. De ce
fait, on l’extrait facilement à la pioche et à la pelle. Assez friable, elle se
découpe en morceaux de taille raisonnable. Un amas de ces mottes accumulé pour
faire un feu doit d’abord être allumé au bois, mais la kara une fois
enflammée brûle bien plus longtemps que le bois et produit une chaleur plus
intense, à l’instar de l’huile de naphte. Abondante, d’extraction aisée, elle
n’a qu’un inconvénient : la fumée dense qu’elle dégage. Et, comme elle
était l’unique combustible de chauffage des maisons, boutiques et
caravansérails de Kachgar, un voile de fumée flottait éternellement, suspendu
dans le ciel de la ville.
    Au moins sa fumée ne donnait-elle pas aux aliments que
l’on faisait cuire dessus, comme celle des déjections de chameaux ou de yacks,
un goût désagréable, et c’était tant mieux. Car la nourriture qu’on nous
servait à Kachgar était en effet tout sauf réjouissante. Il avait beau y avoir
dans les environs d’innombrables troupeaux de chèvres, de vaches et de yacks
domestiques, et dans chaque basse-cour ou presque des cochons, poulets et
autres canards, la viande cuisinée aux Cinq Félicités demeurait inéluctablement
le sempiternel mouton. Les Ouïghours comme les Mongols n’ont pas de religion
nationale, et je n’ai pu savoir si les Han en avaient une. Mais entre la
population permanente et celle de passage, on trouvait à Kachgar presque toutes
les religions existantes. Or le mouton est le seul animal comestible par tous
les pratiquants. Le cha, quant à lui, d’arôme modéré et qui ne provoque
aucune ivresse, donc parfaitement acceptable au plan religieux, conservait sa
place de boisson favorite.
    Kithai induisit pourtant une plaisante amélioration
dans nos repas. Au lieu du riz, nous eûmes comme accompagnement du miàn. Cette
denrée n’avait rien de particulièrement nouveau à nos yeux, puisqu’elle n’était
autre qu’une pâte filiforme du genre vermicelle, mais cette vieille
connaissance fut la bienvenue. On nous la servait bouillie al dente, comme
on le fait du vermicelle à Venise, mais elle était à l’occasion coupée en
petits fragments et frite en croustillantes torsades. Mais ce qui, à ce sujet,
était vraiment nouveau (pour moi, du moins), c’étaient ces deux fins
bâtons qu’on nous servit pour les déguster. Je restai un moment à les regarder,
perplexe. Mon père et mon oncle éclatèrent de rire à l’expression de mon
visage.
    — Ce sont les kuài-zi, les « pinces
agiles », indiqua mon père. Crois-moi, elles sont plus pratiques qu’elles
n’en ont l’air. Regarde, Marco.
    Tenant les deux baguettes d’une seule main, il se mit
à attraper avec adresse de petits morceaux de viande et

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