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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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s’enquit oncle Matteo, dont
les lèvres réprimaient maintenant un sourire naissant.
    — Je jouais ! Je blaguais ! Je vous
taquinais ! se justifia Kaidu, presque implorant. Il arrive au tigre de
jouer avec sa proie, quand il n’est pas fâché. Et je ne le suis pas, moi,
fâché ! Pas pour ce genre de camelote tapageuse... Je suis Kaidu, je
possède donc d’innombrables mou [33] de terres, d’incalculables li [34] de la route de la soie, plus de cités que j’ai de cheveux sur la tête et
plus de sujets que de grains de sable dans le désert de Gobi ! Pensez-vous
vraiment que je manque de rubis, de plateaux dorés et de qali persans, uu ?
    Il feignit un grand éclat de rire : « Ha,
ha, ha, ha ! » qu’il redoubla encore d’intensité en frappant
lourdement de ses gros poings ses genoux massifs.
    — Mais je vous ai fait peur, hein ?
Avouez ! J’ai bien joué le coup, à vous taquiner ainsi.
    — Oh oui, vous nous avez vraiment retournés comme
des crêpes, seigneur Kaidu ! admit mon oncle, faisant de son mieux pour
dissimuler son intense jubilation.
    — Et voilà qu’à présent le tonnerre a cessé, fit l’ilkhan
toujours aux aguets. Gardes ! Remballez tout cet attirail et rechargez-le
sur les chevaux de ces grands frères !
    — Dame... nous vous remercions, seigneur Kaidu,
fit mon père d’un ton éminemment révérencieux, tout en clignant de l’œil dans
ma direction.
    — Et tenez, voici l’oukase de mon cousin, ajouta
l’ilkhan, pressant le rouleau dans la paume de mon oncle. Je vous le rends,
prêtre. Reprenez vos personnes, votre religion et cette basse camelote, et
emmenez-les à Kubilaï. Il collecte peut-être ce genre de colifichets, mais moi
pas. Kaidu a autre chose à faire. Kaidu ne prend pas, il offre ! Deux des
meilleurs guerriers de ma garde personnelle vous escorteront, vous et votre
convoi, et vous conduiront où que vos pas vous mènent, en direction de l’Orient...
    Je me glissai hors de la yourte tandis que les gardes
commençaient à ressortir les marchandises dédaignées et rejoignis Narine du
côté opposé, où il m’attendait, tenant à la main la feuille de métal et prêt à
la faire vibrer de nouveau dès qu’il entendrait souffler mon nez. Je lui fis le
signe utilisé à travers tout l’Orient pour signifier « mission
accomplie », en lui montrant mon poing pouce levé, lui repris la plaque de
cuivre et m’en allai au petit trot de par le bok la restituer à
l’armurier, pour rentrer à la yourte au moment où les chevaux finissaient
d’être chargés.
    Kaidu se tenait à l’entrée de son pavillon, saluant de
la main, et nous cria : « Un bon cheval, et une plaine ouverte sous
vos pas ! » jusqu’à ce que nous soyons hors de portée de sa voix.
    Mon oncle dit alors, en vénitien pour ne pas être
compris des deux gardes mongols qui escortaient notre convoi :
    — Nous avons vraiment fait merveille en unissant
nos forces. Nico, tu avais inventé une bonne histoire. Marco, lui, nous a
inventé un dieu du tonnerre !
    Enlaçant de ses bras étendus mes épaules et celles de
Narine, il nous étreignit tous deux d’une pression chaleureuse.

 
44
    Nous étions alors allés si loin autour du monde, en
des terres si mal connues, que notre Kitab ne nous était désormais plus
de grande utilité. Il était évident que le cartographe Al-Idrîsî ne s’était pas
aventuré jusque dans ces régions et n’avait rencontré personne qui l’eût fait,
dont il aurait pu tirer des informations même de seconde main. Ses cartes
situaient l’extrémité orientale de l’Asie beaucoup trop vite et trop près, au
bord d’un vaste océan appelé mer de Kithai. Elles donnaient donc la fausse
impression que Kachgar n’était pas très éloigné de notre destination finale, la
capitale de Kubilaï, Khanbalik, alors que celle-ci est elle-même située à
l’intérieur des terres par rapport à cet océan. Mais comme m’en avaient averti
mon père et mon oncle et comme je le vérifiai avec force lassitude par
moi-même, ce qui sépare Kachgar de Khanbalik, c’est une véritable moitié de
continent, donc une distance incommensurablement plus vaste que tout ce
qu’avait pu prévoir ou imaginer Al-Idrîsî. Pour atteindre notre but, il nous
faudrait encore couvrir à peu près la même distance que celle que nous
avions déjà parcourue depuis Suvediye, sur les rives du Levant, au bord de
la Méditerranée.
    Et qu’on la décompte en pas

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