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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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corps de chair. C’est ce corps qui est une invention diabolique, la création du Dieu mauvais.
    — Peut-être, mais, dans ce cas, comment expliquez-vous que ces deux dieux puissent cohabiter ?
    — Le Dieu bon règne sur les cieux et a créé les esprits ; le Dieu mauvais règne sur la terre et a créé les choses visibles, parmi lesquelles nous autres humains sous notre forme charnelle. Au moment de leur création, il a été donné pour chaque âme la possibilité de connaître neuf corps. À la dernière réincarnation, la neuvième, l’issue peut être celle d’un bon chrétien avec son passage au Paradis, ou d’un damné avec sa chute dans l’Enfer.
    — Si ce sont les âmes qui se sauvent elles-mêmes, vous rejetez donc la venue du Christ sur la terre pour le salut des hommes ?
    — La venue du Christ n’est qu’illusion et tromperie, son corps matériel n’a pu être créé que par le Diable. C’est pourquoi nous rejetons la pratique des sacrements, en particulier du baptême et de la communion, comme nous rejetons l’adoration de la Croix.
    Stranieri, en se laissant servir un verre de vin par Constance, s’amuse à soupeser les avantages et les inconvénients de cette théorie. À coup sûr, elle offre bien des attraits à tous les insatisfaits de leur sort. Pour commencer, en neutralisant les différences sexuelles, puisque l’homme ayant pu être une femme et la femme un homme, elle annule les inégalités postulées entre ces deux états. Cela met déjà de son côté la moitié de l’espèce humaine, la féminine. Mais elle a un autre avantage, au moins aussi important : en enlevant toute supériorité de naissance, puisque des vilains ou des serfs auront pu être des barons ou des comtes dans une autre vie, Stranieri se dit que les cathares ont inventé là une doctrine à la fois consolante et satisfaisante pour les esprits simples. Rien d’étonnant donc qu’elle bénéficie d’un tel essor dans les couches populaires et parmi les femmes, quelles que soient leurs conditions. Mais attention, pourtant : l’un des préceptes cathares ne fait-il pas directement allusion au caractère satanique de toute société reposant sur la subordination forcée d’un homme à un autre ? C’est là une suggestion bien dangereuse, pense Stranieri. Il se souvient de ces versets qui remarquent que l’empereur commande au roi, le roi au comte, le comte au chevalier, et que chacun s’efforce d’asservir son prochain « comme à la chasse on prend une bête avec une autre bête », un gibier avec un faucon. Les Parfaits étant en principe la dernière incarnation avant le salut de l’âme et son passage au Paradis, une telle prière ne sous-entend-elle pas que les papes, les rois, les juges ou les seigneurs sont les âmes les plus mauvaises ? En tout cas les moins avancées dans la voie du salut ? Et qu’ils appartiennent donc, à moins de s’être érigés en défenseurs des « bons hommes », à la cour de Satan, le prince suprême du monde tangible ?
    En s’absorbant dans ses pensées, Stranieri n’a pas suivi les échanges autour de lui. La voix de Touvenel, qui lui ressert à boire, le fait sortir de sa rêverie.
    — Eh bien, troubadour, vous n’êtes plus avec nous ?
    — Excusez-moi. Je réfléchissais aux conséquences de ce que messire de Paunac venait de me dire.
    À l’autre bout de la table, Yasmina, attablée à côté de Constance, fait un geste d’encouragement vers Amaury qui ne cesse de s’agiter sur son banc. Le jeune homme se décide finalement à intervenir.
    — Monseigneur, balbutie-t-il en direction de Touvenel, il faut que je vous parle. Oui, il le faut. Je prends sur moi de vous le demander, au nom de tous ceux de notre communauté. Et des gens du bourg aussi.
    Philippe de Paunac a levé les yeux de la table, contrarié que son fils ait pu prendre la parole sans la lui avoir demandée.
    — Pardonnez-moi si j’ai parlé sans votre autorisation, mon père, mais je ne peux me retenir, ajoute Amaury.
    Sans se soucier du regard mécontent que son père lui jette, il revient sur Touvenel.
    — Seigneur, nous serons tous massacrés si vous ne nous aidez pas. Et vous, mes frères, déclare-t-il en toisant tout le monde, jusqu’à quand accepterez-vous qu’on vous persécute ? Votre manque de réaction est-il un signe de miséricorde ou n’est-ce que votre lâcheté que vous vous cachez à vous-même ?
    Le mot de « lâcheté » fait hausser

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