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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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l’immobilisent.
    — Assez, maintenant ! hurle Touvenel. Tu ne trouves pas que cela suffit ? insiste-t-il, en le forçant à regarder, tout autour d’eux, des blessés qui gémissent sur un sol baigné de sang où gisent trois cadavres.
    Alors que les hommes de la Confrérie Blanche quittent la place derrière un rideau de flammes. Amaury se débat encore. Stranieri et Yong le maîtrisent et le ramènent à Touvenel. Le chevalier le pousse vers la maison des Paunac. Les flammes venues des autres maisons en dévorent déjà la porte. Un éclair zèbre le ciel et, dans un bruit de tonnerre, foudroie l’énorme chêne dressé devant la porte de l’église. L’orage vient d’éclater.

17.
    Après avoir aidé les habitants de Savignac à rentrer leurs blessés et leurs morts sous une pluie torrentielle, Touvenel, Stranieri et Yong ont participé aux efforts déployés pour éteindre les incendies allumés par la Confrérie Blanche. La place est vide, à présent. La pluie a soudainement cessé. L’orage s’est éloigné à l’est, comme s’il courait à la poursuite des assassins ou se plaisait au contraire à leur faire escorte. Stranieri a laissé frère Yong œuvrer au côté de Constance et de ceux qui connaissent un peu de médecine pour essayer de sauver les blessés qui pouvaient encore l’être. Ils les ont rassemblés dans les maisons épargnées par les flammes. Revenu sur la place, Stranieri parcourt du regard le village. Une bouffée de colère l’envahit devant ce spectacle de désolation : murs noircis, toitures effondrées, portes fracassées.
    Pourquoi a-t-il fallu qu’on l’envoie, une fois de plus, être le témoin de telles horreurs ? Innocent III ne pouvait-il pas faire plutôt de lui l’un de ses légats plénipotentiaires, comme ce Pierre de Castelnau qui se contente de parcourir le pays pour y palabrer autour de tables de conférence et y combiner des manœuvres subtiles à l’ombre de palais ou d’abbayes ? N’a-t-il pas déjà dit vingt fois à Lotario qu’il ne se sentait plus en âge de pratiquer ces missions périlleuses et qu’il fallait laisser la place aux jeunes ? Il repense à l’un de ses élèves, cette brillante recrue au regard si cruel. Comment s’appelle-t-il, déjà ? Vittorio ? Non. Angelico ? Sûrement pas ! Damiano ? Oui, c’est cela, Damiano. Ce garçon aurait été parfait, pour infiltrer la Confrérie Blanche sans états d’âme, peut-être même pour participer à ses expéditions meurtrières et devenir l’ami intime de ce Guillaume de Gasquet. Un peu moins sans doute pour se faire admettre chez les cathares, à cause de son regard. Mais un regard, ça peut se modifier. Non, décidément, cette fois, quand il rentrera au Vatican, Stranieri est décidé à frapper du poing sur la table et à imposer ses conditions. Et si elles ne sont pas acceptées, il s’exilera au fond d’un monastère pour s’y absorber jusqu’à la fin de ses jours dans la prière, la lecture et la méditation. Chrysippe, Héraclite, Épicure chez les Grecs, Cicéron, Épictète chez les Latins, et tous ces auteurs de son pays dont Yong lui a parlé, les Yang Zhu, Zhang Xuecheng ou Zhangzi, il ne rêve que de pouvoir se consacrer entièrement à leur étude. Après tout, se retirer définitivement dans n’importe quel trou du monde vaut mieux que de continuer d’assister au déferlement de sauvagerie dont l’homme est capable, surtout quand elle se réclame – ô comble de la dérision ! – du message de paix du Christ. Et qui sait s’il ne pourrait pas lui-même finir ses jours en laissant derrière lui la trace d’une œuvre que l’on continuerait de lire et de commenter dans deux, trois siècles, ou même plus ?
    À la fois mécontent du pape, de l’Église, de la religion, des hommes et de lui-même, il décide de retourner vers la maison des Paunac. Constance et frère Yong y ont amené les blessés les plus graves.
    — Par tous les péchés que j’ai faits, dits ou pensés, je demande pardon à Dieu, à notre Église et à vous tous, chuchote un mourant allongé sur une planche posée sur deux tréteaux, recouverte de drap blanc.
    — Par Dieu et par l’Église, que tes péchés te soient pardonnés ! Nous prions Dieu qu’il te les pardonne ! lui répond un grand homme maigre, à la mine sévère, tout de noir vêtu.
    Stranieri reconnaît Philippe de Paunac. Le mourant vient à peine de recevoir sa bénédiction qu’il rend son dernier

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