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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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souffle. Paunac passe délicatement sa main sur son visage et lui ferme les yeux. Stranieri cherche Constance et l’aperçoit un peu à l’écart, un bras passé autour des épaules de Yasmina qui sanglote. « Une fois de plus, pense-t-il, cette malheureuse jeune fille vient d’être confrontée à la violence et à la mort par intolérance religieuse. » À l’autre bout de la pièce, il découvre Touvenel et Amaury droits et raides, le visage fermé, la mâchoire crispée. Les bras aux bandages rougis de sang et le visage du chevalier portent les stigmates du rude combat qu’il vient de mener. Amaury, lui, n’a reçu qu’une légère blessure au poignet. « La fortune sourit toujours aux innocents. Mais qu’il y prenne garde, elle ne leur sourit qu’une fois, la première ! » pense encore Stranieri. Au fond de la grande salle, il voit encore trois corps d’hommes et de femmes aux longues tuniques blanches, allongés côte à côte. Tués net lors de l’attaque, ils n’ont pu recevoir le consolamentum de l’Église cathare, se désole Paunac à haute voix. Il ajoute à l’intention des présents :
    — Tous ne sont pas de notre Église. N’ayez pas de peine, ne les pleurez pas. Chrétiens, catholiques ou « bons hommes », ils sont morts en innocents, ils pourront donc vivre ensemble dans le vrai monde, celui du Dieu de l’au-delà.
    Paunac s’incline respectueusement devant les dépouilles et s’agenouille, imité par tous, à l’exception de Touvenel et de Stranieri. Soudain, la voix du chevalier retentit et trouble de façon incongrue le recueillement de l’assemblée :
    — Je le hais, moi, votre Dieu de l’au-delà !
    Tous les regards convergent vers lui, affichant leur surprise. Loin de se calmer, Touvenel continue, les yeux vers le plafond :
    — Qui que tu sois, où que tu sois, si tu existes, je te hais !
    Interdits, hommes et femmes restent muets.
    — Ne voyez-vous pas qu’il est notre ennemi à tous ? s’écrie-t-il encore en abaissant le regard vers l’assemblée.
    Il se tourne vers Philippe de Paunac et les deux Parfaits qui le secondent.
    — Vous parlez d’un Dieu de l’au-delà qui n’aurait rien à voir avec les souffrances de ce monde. Mais qu’y fait-il, dans son au-delà ? Pourquoi se contenterait-il d’assister en spectateur aux atrocités que déclencherait dans notre monde un autre Dieu que lui ? Non, non ! C’est lui et lui seul qui s’acharne sur nous, pour son plaisir !
    — Calme-toi, mon frère ! tente de le modérer Paunac en s’avançant vers lui pour lui prendre la main. Nous comprenons ta peine, mais tes invectives et tes blasphèmes ne servent qu’à augmenter ta propre douleur.
    Il n’a pas le temps d’en dire plus. Touvenel, hors de lui, se dégage, et se rue vers l’extérieur de la maison. Constance se précipite pour lui barrer le passage. Il est déjà sorti. Sur la place, les yeux braqués vers les premiers rayons de soleil qui pointent au-dessus du chêne foudroyé, il se met à hurler en tirant son épée :
    — Il est invisible. Voilà comment il crée son mystère. Il ne veut pas se montrer. Le lâche ! Je hais le mystère de l’invisible. Montre-toi ! Montre-toi donc !
    Un moment immobile, attendant une réponse du Ciel qui ne vient pas, il tombe à genoux, non pour une prière, mais comme un homme abattu par le destin. Jetant son épée devant lui, il se prend la tête entre les mains et éclate en sanglots. Les larmes creusent leur sillon sur ses joues à la blancheur cadavérique. Il ne sent plus le sang battre dans ses veines. Il porte la main à la pierre de jade du collier récupéré dans la tombe de Limoux. Encore une fois, comme dans les délires qui l’accablent depuis sa blessure à Constantinople, il sent se refermer autour de lui la ronde d’une danse macabre menée par Esclarmonde. Mais le beau visage de sa femme, si serein et si gai autrefois, s’est ridé, tel celui d’une momie. Les squelettes qui l’accompagnent entrechoquent leurs os en un horrible concert auquel participent Yasmina et Constance. Les sabots des chevaux des hommes en blanc, aux crucifix d’argent, frappent le sol, arrachent les pierres, labourent la terre. Leurs cavaliers vomissent des flots de sang. Les tympans du chevalier éclatent. La croix pourpre tatouée sur son épaule s’ouvre, telle une fleur qui éclot en autant de pétales de sang, et, au-dessus de lui, dans un cri déchirant, l’aigle du blason des

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