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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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et si juvénile, que je ne suis, ne puis et ne pourrai jamais être qu’à vous ! »
    Constance applaudit, aussitôt suivie de Yasmina. La jeune fille, en riant, questionne :
    — Tous ces jolis mots sont-ils de vous, messire ?
    — Hélas, non ! Ils sont de Raimbaud de Vaqueiras, un pauvre chevalier de Provence qui vécut au siècle dernier.
    — As-tu bien entendu, petit frère, ce qu’est courtoisie en amour ? lance Constance, amusée, à Amaury.
    Puis, s’adressant à Stranieri avec une légère moue :
    — Mais, voyez-vous, messire troubadour, malgré d’aussi beaux mots, l’idée de l’amour sans acte me paraît tout aussi inconcevable que l’acte sans amour.
    — Il n’est pas dit dans ce poème qu’il n’y aurait pas d’acte, réplique Stranieri. J’ai commencé par : « Je n’aurai jamais joie parfaite si je ne vous possède et si vous ne me possédez… »
    — C’est vrai, j’avais oublié ! concède Constance. Petit frère, tu devrais t’en inspirer. Essaie donc à ton tour. Improvise-nous quelque chose pour la demoiselle.
    Le jeune homme, rouge de confusion, voyant tous les regards tournés vers lui, se lève soudain de son banc, en renversant cruche et tranchoir. Yasmina attend qu’il lui adresse un mot, un compliment. Mais elle le voit sortir de la salle à pas précipités, pour cacher sa confusion. Stranieri se rassoit et conclut, à l’intention de Touvenel et de Constance, en regardant Yasmina avec un soupir :
    — Vous êtes bien jolie et bien désirable, mademoiselle. Et je ressens, en vous regardant, plus cruellement que jamais, ce qu’écrivait, je ne sais plus quel auteur de l’Antiquité à propos de la vieillesse : « Le drame n’est pas de vieillir, c’est de rester jeune. »
    — C’est joli, reconnaît Constance. Et vous ne vous souvenez plus quel auteur de l’Antiquité a dit cela ?
    Stranieri sourit en replongeant dans son assiette.
    — Si. C’est moi.
    Constance rit avec Touvenel, puis chacun se remet à manger. Le silence retombe sur la tablée, quand Yasmina se déclare soudain fatiguée et demande la permission d’aller se coucher.
    — Aura-t-elle encore besoin d’un autre remède avant la nuit ? demande Touvenel à frère Yong.
    Yong adresse à Stranieri quelques gestes, que celui-ci leur traduit.
    — Frère Yong dit que le mieux est qu’elle dorme en prenant garde de bien se couvrir, et qu’elle peut éventuellement boire une décoction chaude avant de se mettre au lit.
    — Je vais lui en préparer une de thym et bassiner son lit pour qu’elle ait bien chaud, déclare Constance en se levant.
    Elle entraîne Yasmina avec elle, quand le tonnerre éclate soudain. Des éclairs illuminent la maison. En passant devant une fenêtre avec la jeune fille, elle jette un coup d’œil au-dehors en poussant les contrevents. Un autre coup de tonnerre puis un autre éclair succèdent aux précédents. Le spectacle que découvre Constance est hallucinant. Ce n’est pas seulement la lueur de l’éclair qui vient d’éclairer la place de Savignac, mais celle de plusieurs dizaines de torches portées à bout de bras par des cavaliers armés, habillés et cagoulés de blanc. Divisés en plusieurs groupes, ils font face à chaque quartier du petit bourg, comme s’ils allaient les investir. Un cavalier un peu plus grand que les autres, monté à cheval d’une curieuse façon, incliné sur le côté droit, est le seul à ne pas porter de torche. Un grand crucifix d’argent brille sur sa poitrine. Tous les cagoulés semblent attendre ses ordres.
    — Bertrand ! appelle Constance. Bertrand, viens vite !
    Arrivé près d’elle, Touvenel peut voir l’homme sur la place passer sa troupe en revue, dégainer son épée, la brandir et crier :
    — Pour le vrai Dieu ! Pour le Christ ! Pour l’Église !
    Des dizaines de voix lui répondent :
    — Pour Dieu ! Pour le Christ !
    — Mort aux hérétiques !
    Aussitôt, c’est la ruée. La horde se lance au galop vers les quatre coins du bourg. Des torches se mêlent aux éclairs et volent dans le ciel, enflammant des toits de chaume. Par-dessus le tonnerre, des hurlements déchirent la nuit. Les soudards de la Confrérie Blanche enfoncent les portes à coups de pied et de pommeau d’épée, et traînent les habitants sur la place. Hommes, femmes ou enfants, ils ne font pas de différence, les forçant à s’agenouiller devant leur chef qui leur présente son crucifix d’argent

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