L’ESPION DU PAPE
à baiser. Certains se soumettent en tremblant. D’autres refusent.
— Pour Dieu ! Pour le Christ !
On les force de nouveau. Au troisième refus, au « nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », la pointe d’une épée leur transperce la poitrine, une lame leur tranche la gorge. Le sol se rougit de sang. Deux hommes tombent ainsi, sacrifiés au « vrai » Dieu.
Des coups de boutoir ébranlent soudain la forte porte de la maison Paunac.
— Sauve-toi avec Yasmina ! ordonne Touvenel à Constance. Gagnez les champs et cachez-vous !
Il court empoigner sa longue épée de croisé et demande à Stranieri :
— Savez-vous vous battre, troubadour ? Sinon, fuyez avec votre Chinois !
Stranieri cherche autour de lui de quoi se défendre. Il se saisit du bouffagou dans l’âtre de la cheminée et le lance à Yong qui l’attrape habilement et le fait tournoyer à bout de bras. Lui-même soulève l’un des chenets, le soupèse et opine du chef.
— Ça devrait me suffire, au moins pour commencer.
Constance et Yasmina, après avoir rassemblé les servantes, ont fui avec elles par l’arrière de la maison, quand Amaury surgit, alerté par le vacarme, une hache dans une main, une dague dans l’autre. La porte cède sous la pression des assaillants. Surpris de trouver en face d’eux quatre hommes armés et décidés à se défendre, les deux cagoulés qui viennent d’entrer restent interdits. Touvenel pousse un cri sauvage et se rue sur eux. Les deux hommes reculent et s’enfuient. Le chevalier se jette dehors à leur poursuite. Stranieri, Yong et Amaury le suivent aussitôt. Touvenel tente d’arrêter le jeune homme. Trop tard. À la lueur des incendies, il le voit courir vers le centre de la place, emporté dans une folle mêlée de cris, de pleurs et de hurlements.
Certains des habitants du bourg, en armes, ont réussi à se rassembler pour contrer la vague criminelle des hommes aux tuniques blanches. Avec des fourches, des faux, des masses et des bâtons, ils essaient de s’opposer aux épées des reîtres. Le maréchal-ferrant a rallumé sa forge et lance sur les cavaliers des boulets d’étoupe enflammés. Mais rien n’y fait. Les assaillants sont trop nombreux et trop bien entraînés. Bientôt, Amaury, seul contre deux d’entre eux, se sent perdu. Touvenel, qui se bat contre trois autres, ne peut lui porter secours. Stranieri se rend compte de la situation et se précipite. D’un coup de son chenet, il assomme l’un des assaillants du jeune homme. L’autre se retourne contre lui. En quelques mouvements surprenants, Stranieri évite ses coups, le fait tomber, lui vole son arme et la lui plante dans la gorge. Un peu plus loin, Yong, comme s’il s’amusait à danser, saute d’un pied sur l’autre pour tromper un assaillant et l’assomme en se jouant de lui d’un coup de son bouffagou. Un autre se rue, il l’évite, puis il se remet à danser, avant d’en faire autant avec lui. Mais trois cagoulés encerclent à présent Touvenel, qui se bat comme un diable furieux.
— À moi ! crie-t-il, en cherchant des yeux une aide.
Stranieri et Yong, de nouveau pris à partie, ont trop à faire pour lui porter secours. Amaury lui répond :
— Je suis là !
— Garde-moi à gauche, si tu peux !
Il fait signe d’approcher à l’un des cagoulés.
— Viens donc ! Je vais t’occire le premier.
L’homme se précipite. Touvenel fait un pas de côté. Emporté par son élan, le cagoulé bascule en avant sans trouver de résistance. L’épée du croisé s’abat sur sa nuque. Mais les deux autres, rejoints par du renfort, s’apprêtent à se lancer sur eux, tous ensemble.
— Dos à dos ! commande Touvenel à Amaury.
« Cette fois, seul Dieu pourrait nous sauver, s’il existe encore ! » ne peut-il s’empêcher de penser. Et pourtant ! Dieu l’aurait-il entendu ? Au son d’un olifant venu de derrière le chef de la troupe, les agresseurs s’immobilisent. L’homme au crucifix d’argent ordonne :
— Quittez le terrain ! Ramenez les blessés !
Les cagoulés se rassemblent en un groupe compact pour se protéger. Ils relèvent leurs acolytes tombés à terre et les emportent vers leurs chevaux.
— Nous reviendrons, manants du diable ! jette leur chef aux villageois.
Les assaillants sautent sur leurs montures. Amaury persiste à vouloir se ruer sur eux, mais Touvenel le retient. Le jeune cathare se dégage. Stranieri et Yong lui barrent la route et
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