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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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savais qu’il n’en résulterait que de la tristesse.
    — Comment
pouvais-tu être si sûre de toi ? Était-il aussi mauvais que ça ?
    Elle
resta silencieuse un moment.
    — Je
ne prétends pas être un grand juge des caractères, Gordien. Tout au moins, pas
quand il s’agit des hommes. Sais-tu comment on m’appelait autrefois ? Iaia
Cyzicena, l’Éternelle Vierge. Voilà le surnom que l’on me donnait, et pas sans
raison. J’ai peu d’expérience des hommes et je ne prétends donc pas avoir sur
eux un jugement particulièrement fiable, en tout cas sûrement pas meilleur que
celui des autres femmes. Mais le jugement fondé sur l’expérience ne va pas
assez loin, à mon sens. Il existe des manières plus sûres de prévoir l’avenir.
    Elle
regarda les volutes de vapeur qui montaient de l’eau.
    — Et
que prévoit le futur pour cette maison et ses habitants ?
    — Quelque
chose de sombre, d’effrayant, quoi qu’il arrive.
    Elle
frissonna.
    — Mais,
pour répondre à ta question, non, Lucius n’était pas foncièrement mauvais. Il
était simplement faible. Il n’avait pas de vision d’avenir, pas d’ambition, pas
d’énergie. Sans Crassus, lui et Gelina seraient morts de faim depuis longtemps.
    — Une
villa dotée de cent un esclaves ne respire pas la famine.
    — Mais
Lucius lui-même ne possédait rien. D’après ce que je sais, tous ses revenus lui
servaient à entretenir ce palais. Tout autre homme aurait depuis longtemps pris
son indépendance vis-à-vis de Crassus et assuré sa fortune personnelle. Pas
Lucius. Il était content de sa petite vie, prenant ce qu’on lui donnait et ne
réclamant rien de plus. Comme un chien qui attend sous la table qu’on lui jette
des restes. Au demeurant, la main qui l’avait secouru s’assurait bien qu’il ne
s’élève pas trop haut. Crassus veillait à ce que Lucius demeurât un parent sans
ambition et éternellement reconnaissant. Surtout pas un égal et encore moins un
rival. Crassus dispose de moyens pour maintenir les gens à leur place. Gelina
méritait beaucoup mieux. Maintenant, elle est totalement à la merci de Crassus.
Elle n’a même pas la possibilité de sauver ses propres esclaves.
    — Et
que va-t-il se passer s’ils sont effectivement exécutés ?
    Iaia
regarda la vapeur sans répondre. Nous fîmes le tour du bassin en silence.
    — Quels
que soient leurs différends, je pense que Gelina a beaucoup souffert de la mort
de son mari, dis-je d’un ton calme. Elle souffrira encore davantage si Crassus
met son sinistre projet à exécution.
    — Oui,
répondit Iaia d’une voix lointaine. Et elle ne sera pas la seule à souffrir.
    — Certainement.
Si l’assassin est de la maison, il aura sûrement beaucoup de mal à supporter de
voir tant de personnes massacrées à sa place.
    — Pas
des personnes, corrigea-t-elle. Des esclaves.
    — Et
alors…
    — Pour
des esclaves, même quatre-vingt-dix-neuf esclaves, mourir en servant les
intérêts d’un grand homme riche, n’est-ce pas se conduire en vrai Romain ?
    Je
n’avais rien à répondre. Je la laissai près du bassin, plongée dans la
contemplation des profondeurs sulfureuses.
    Dans
le vestibule, je retrouvai Eco debout sur l’échafaudage, un pinceau de crin de
cheval à la main. Olympias se tenait derrière lui, la main posée sur celle d’Eco,
pour guider ses gestes.
    — Juste
un balayage, comme ça, disait-elle. Il faut en appliquer régulièrement une
mince couche.
    — Eh
bien, Eco, m’exclamai-je, j’ignorais totalement tes dons pour la peinture.
    Il
sursauta. Olympias tourna la tête et sourit gaiement.
    — Il
a la main très sûre, dit-elle.
    — Je
le crois volontiers. Mais nous devons prendre congé. Viens, Eco.
    Il
sauta agilement en bas des échelles. Le rouge lui était monté aux joues et il
avait l’air un peu perdu. Lorsque nous franchîmes le portique pour sortir, il
jeta un regard emprunté derrière lui.
    — Est-ce
toi qui t’es approché d’elle ou elle qui t’a demandé de la rejoindre sur l’échafaudage ?
    Eco
confirma la dernière hypothèse.
    — Ah !
et c’est elle qui s’est approchée jusqu’à mettre son bras autour de ta taille ?
    Il
acquiesça, rêveur. Puis il fronça le sourcil en voyant que je pinçais les
lèvres.
    — Je
ne ferais pas entièrement confiance à cette jeune femme, Eco. Mais, non, ne
sois pas stupide : je ne suis pas jaloux de toi. Elle a une façon de
sourire qui me met mal à

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