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Lettres - Tome I

Lettres - Tome I

Titel: Lettres - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pline le Jeune
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Pison, celui qui fut adopté par Galba, était alitée gravement atteinte. Regulus {52} vint la voir. Quelle impudence, d’abord, de venir chez une femme malade, alors qu’il avait toujours été l’ennemi déclaré du mari, et qu’il s’était acharné contre elle-même. Passe encore, pour une simple visite ! mais il s’assied tout près de son lit, lui demande le jour, l’heure de sa naissance. À peine a-t-il entendu la réponse, qu’il compose son visage, tient les yeux fixes, remue les lèvres, compte sur ses doigts ; sans rien dire ; après avoir longuement tenu en suspens l’esprit de la pauvre malade : « Vous êtes, dit-il, dans votre année critique {53} , mais vous en réchapperez. Pour vous donner plus de certitude, je vais consulter un haruspice, dont j’ai souvent reconnu la science. » Sans retard, il fait un sacrifice, et affirme que les entrailles des victimes sont d’accord avec le témoignage des astres. Elle, crédule comme on l’est dans le danger, demande des codicilles, et assure un legs à Regulus. Peu après le mal s’aggrave, et sur son lit de mort elle crie : « Le scélérat, le perfide qui enchérit même sur le parjure, puisqu’il lui a fait un faux serment sur les jours de son fils ! » C’est chez Regulus une pratique aussi criminelle que familière, d’appeler la colère des Dieux, qu’il trompe tous les jours, sur la tête de son malheureux enfant.
    Velleius Blesus, le riche consulaire, aux prises avec sa dernière maladie, désirait modifier son testament. Régulus, qui se promettait quelque profit de la nouvelle rédaction, parce qu’il avait su depuis peu gagner les bonnes grâces du malade, demande aux médecins, les conjure de prolonger à tout prix la vie de notre homme ; aussitôt le testament signé, il lève le masque, et change de ton à l’égard des mêmes médecins : « Combien de temps encore tourmenterez-vous ce malheureux ? Pourquoi envier une douce mort à qui vous ne pouvez donner la vie ? » Blesus meurt et comme s’il eût tout entendu, pas une obole à Régulus.
    C’est bien assez de deux contes. M’en demandez-vous un troisième, selon le précepte de l’école ? Il est tout prêt. Aurélie, femme d’un rang élevé, allait sceller son testament. Elle se pare de ses plus beaux habits ; Regulus s’étant rendu à la cérémonie : « Je vous demande, dit-il, de me léguer ces vêtements. » Aurélie croit qu’il plaisante ; lui insiste sérieusement. Bref il la contraint d’ouvrir son testament et de lui léguer les robes qu’elle portait ; non content de la regarder écrire, il vérifia si elle avait écrit. Du reste Aurélie est vivante, mais il l’a forcée à cela comptant qu’elle allait mourir. Et un tel homme ne laisse pas de recueillir des héritages, de recevoir des legs, comme s’il les méritait.
    Mais pourquoi m’en indigner dans une ville où depuis longtemps la perversité et la fraude sont autant ou même plus noblement récompensées que l’honneur et la vertu ? Voyez Regulus ! il était pauvre et humble ; il est devenu si riche à force d’infamies, qu’un jour, il me l’a dit lui-même, consultant les dieux pour savoir s’il arrondirait bientôt ses soixante millions de sesterces, il avait trouvé des entrailles doubles, qui lui en prédirent cent vingt millions. Et il les aura, si seulement il continue à dicter ainsi des testaments (la plus malhonnête de toutes les manières de commettre un faux) à ceux-là qui les possèdent. Adieu.

LIVRE TROISIÈME
     
    I. – C. PLINE SALUE SON CHER CALVISIUS RUFUS.
    La vieillesse d’un sage.
     
    Je ne crois pas avoir jamais vécu de jours plus agréables que ceux que je viens de passer chez Spurinna, au point que, dans ma vieillesse, s’il m’est donné de vieillir, il n’est personne à qui je voudrais davantage ressembler. Il n’y a pas en effet de manière de vivre plus ordonnée que la sienne, et j’aime, ainsi que le cours fixe des astres, une vie bien réglée chez les hommes, surtout chez les vieillards. Car si aux jeunes gens ne messied pas encore un peu d’abandon et presque de négligence, la tranquillité et l’ordre conviennent aux vieillards, pour qui l’activité paraît hors de raison et l’ambition déplacée.
    Spurinna observe scrupuleusement cette règle ; je dis plus : il accomplit ces menus actes, menus, si leur retour quotidien ne leur donnait du prix, en une succession fixe et comme en une révolution

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