Lettres - Tome I
cité, cela mérite certes notre respect et notre admiration ; pour moi cependant c’est dans vos délassements que je vous admire le plus. Car tempérer votre austérité par une aménité égale, associer à la plus grande dignité autant d’affabilité n’est pas moins difficile que beau.
Vous y réussissez par le charme merveilleux de vos entretiens et plus encore par votre façon d’écrire. Car dans votre conversation les paroles coulent plus douces que le miel, comme celles du vieillard dont parle Homère ; et dans vos écrits les abeilles semblent distiller tous les parfums des fleurs. C’est du moins l’impression que m’ont laissée vos épigrammes grecques et vos iambes, quand je les ai lus dernièrement. Quelle culture, quelle grâce ; qu’ils sont doux, passionnés, dignes des anciens ; quelle finesse et quelle simplicité ! Je croyais lire Callimaque, Hérode, ou même quelque auteur plus parfait. Car ni l’un ni l’autre de ces poètes n’a excellé ou ne s’est exercé dans ces deux genres. Un Romain peut-il parler si finement le grec ? Athènes même, en vérité, était, si j’ose dire, moins attique ! Bref, j’envie aux Grecs la préférence que vous avez donnée à leur langue, car il est aisé de deviner ce que vous pourriez produire dans votre idiome national, quand vous avez écrit dans un idiome étranger et emprunté des œuvres si belles. Adieu.
IV. – C. PLINE SALUE SON CHER SOSIUS SENECIO.
Lettre de recommandation.
J’ai une vive amitié pour Varisidius Nepos ; il est actif, loyal, éloquent, qualité qui a pour moi presque le plus de prix. Il est aussi lié à C. Calvisius, mon familier, et votre ami, par une étroite parenté, car il est le fils de sa sœur. Faites-le, je vous prie, tribun pour six mois, accordez cet honneur à lui-même et à son oncle. Vous m’obligerez, vous obligerez notre ami commun Calvisius, vous obligerez Nepos lui-même, qui est un débiteur non moins solvable que vous ne me jugez moi-même. Vous avez rendu des services à bien des gens ; j’ose affirmer que vous n’en avez jamais placé mieux aucun, et aussi bien un ou deux au plus. Adieu.
V. – C. PLINE SALUE SON CHER JULIUS SPARSUS.
Approbation donnée au Panégyrique de Trajan.
On dit qu’un jour Eschine, à la prière des Rhodiens, leur lut d’abord son discours, puis celui de Démosthène, et que tous les deux furent vivement acclamés. Je ne m’étonne pas que cet honneur soit échu aux ouvrages de si grands orateurs, alors que tout dernièrement les hommes les plus instruits ont écouté mon propre discours deux jours de suite avec une telle bienveillance, un tel assentiment, et même une telle constance, quoique leur attention ne fût piquée par aucun parallèle entre deux ouvrages, par aucune sorte de joute oratoire. Les Rhodiens en effet étaient animés non seulement par les mérites propres des deux discours, mais encore par le stimulant de la comparaison. Mon discours à moi plaisait sans le bénéfice d’aucune émulation. Le méritait-il ? Vous en jugerez, quand vous lirez le livre, dont l’étendue m’interdit d’y ajouter la préface d’une plus longue lettre. Il convient que je sois bref là où je le puis, afin de rendre plus excusable le développement que j’ai donné au livre même, sans dépasser toutefois l’ampleur du sujet. Adieu.
VI. – C. PLINE SALUE SON CHER JULIUS NASO.
La récolte assurée.
Ma propriété de Toscane saccagée par la grêle, une récolte très abondante dans la région située au delà du Pô, mais des prix bas en proportion, voilà les nouvelles ; seul mon domaine des Laurentes me donne un revenu. Je n’ai là, il est vrai, qu’une maison et un jardin, et puis c’est le sable ; pourtant voilà ma seule source de revenu. Car j’y écris beaucoup, et à la place de la terre, que je n’ai pas, c’est moi-même que j’y cultive par l’étude ; et je peux même déjà vous montrer, comme ailleurs des granges pleines, ici une boîte à manuscrits bien garnie. Ainsi donc vous aussi si vous convoitez un fonds d’un produit sûr et abondant, procurez-vous-en un sur ce rivage. Adieu.
VII. – C. PLINE SALUE SON CHER CATIUS LEPIDUS.
L’oraison funèbre d’un enfant.
Je vous le dis souvent : Regulus a de la volonté. Il obtient des résultats merveilleux, quand il se donne à une affaire. Il s’est mis en tête de pleurer son fils, il le fait comme personne. Il s’est mis
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