Lettres - Tome II
l’être, si Domitien, sous lequel ces aventures arrivèrent, eût vécu plus longtemps. Car dans son coffret à papiers on trouva une dénonciation portée contre moi par Carus. On peut conjecturer de là, les accusés ayant coutume de laisser pousser leur chevelure, que les cheveux coupés de mes esclaves signifiaient que le péril qui me menaçait était écarté.
Je vous en prie donc, mettez en œuvre toute votre science. La question vaut la peine que vous l’examiniez longtemps et à fond. Et moi non plus je ne suis pas sans mériter que vous me fassiez part de votre savoir. Il vous est même permis de discuter le pour et le contre ; faites pencher cependant la balance d’un côté, pour ne pas me laisser dans l’hésitation et l’incertitude, puisque le motif de ma consultation a été de mettre fin à mes doutes. Adieu.
XXVIII. – C. PLINE SALUE SON CHER SEPTICIUS.
La véritable amitié.
Vous me dites que vous avez entendu certaines personnes me blâmer de ce que je loue mes amis en toute occasion avec excès. J’avoue mon crime et je m’en flatte même. Quoi de plus honorable que de pécher par indulgence ? Quels sont d’ailleurs ces censeurs qui connaîtraient mieux mes amis que moi-même ? Mais supposons qu’ils les connaissent mieux, pourquoi m’envier une si douce erreur ? Si mes amis ne sont pas tels que je les déclare, je suis toujours heureux de le croire. Que ces critiques portent donc ailleurs leur zèle indiscret ; assez d’autres déchirent leurs amis sous couleur d’indépendance de jugement. Pour moi, ils ne me persuaderont jamais que j’aime trop les miens. Adieu.
XXIX. – C. PLINE SALUE SON CHER MONTANUS.
L’épitaphe d’un affranchi.
Vous allez rire, puis vous indigner, puis rire encore, si vous lisez ce que, sans l’avoir lu, vous ne pourriez croire. Il y a sur la route de Tibur à moins d’un mille (je l’ai remarqué dernièrement) le tombeau de Pallas {43} avec cette inscription : « Ci-gît un homme à qui le sénat a décerné pour sa fidélité et son attachement à ses maîtres les insignes des préteurs, plus quinze millions de sesterces, et qui n’a accepté que la distinction honorifique. » Pour ma part je ne me suis jamais émerveillé de ces honneurs que procure souvent la fortune plutôt que le mérite ; plus que jamais pourtant cette épitaphe m’a rappelé combien il y a d’hypocrisie et de sottise dans ces distinctions que l’on ravale parfois jusqu’à cette boue, jusqu’à cette ordure, enfin dans celles que ce scélérat a osé accepter, a osé refuser, a osé même proposer à la postérité comme un exemple de sa modération. Mais à quoi bon s’indigner ? Il vaut mieux rire, pour que les favoris de la fortune ne se croient pas montés bien haut, quand elle n’a fait que les exposer à la risée publique. Adieu.
XXX. – C. PLINE SALUE SON CHER GENITOR.
Pline et ses fermiers.
Je suis désolé que vous ayez perdu un élève, comme vous l’écrivez, qui donnait les plus hautes espérances. Que sa maladie et sa mort aient dérangé vos travaux littéraires, comment pourrais-je ne pas le comprendre, alors que vous mettez tant d’exactitude à remplir tous vos devoirs, et que vous témoignez une affection si tendre à ceux que vous estimez ? Quant à moi, les soucis de la ville me poursuivent jusqu’ici. Beaucoup me prennent pour juge ou pour arbitre. Et puis ce sont des plaintes de paysans, qui usent amplement de leur droit de se faire entendre après une longue absence. Je suis pressé aussi par l’obligation de louer mes terres, nécessité fort ennuyeuse, tant il est rare de mettre la main sur de bons fermiers. Tout cela rend mes travaux bien précaires, je travaille cependant, car j’écris un peu et je lis. Mais quand je lis, la comparaison me fait sentir combien j’écris mal, quoique vous vous efforciez de relever mon courage, en comparant mon petit ouvrage pour venger Helvidius au discours de Démosthène contre Midias ; il est vrai qu’en composant mon opuscule, je l’ai eu entre les mains, non pas pour l’égaler (il y aurait eu de la témérité et presque de la folie), mais du moins pour l’imiter et marcher sur ses traces, autant que le permettaient la distance des talents, la distance du plus grand au plus humble, ou la différence des causes. Adieu.
XXXI. – C. PLINE SALUE SON CHER CORNUTUS.
Éloge de Claudius Pollion.
Claudius Pollion {44} désire une place dans
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