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L'Evangile selon Pilate

L'Evangile selon Pilate

Titel: L'Evangile selon Pilate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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une fois le poisson ferré, lorsque le crucifié était devenu le centre des préoccupations, l’homme enlevait son capuchon.
    Ayant envie de soumettre cette théorie à Caïphe, j’envoyai un messager au Temple et le grand prêtre, sans attendre, arriva secoué par la colère.
    — Va sur le marché et écoute-les, Pilate : les femmes n’ont plus que le nom de Yéchoua à la bouche. Voici ce qui nous attend, si nous les laissons faire : des femmes qui pensent, des femmes qui donnent leur avis ! Pourquoi pas des femmes au pouvoir ? ! Elles s’attroupent sur la place publique et clament qu’une nouvelle ère commence ! Si Moïse voyait cela ! Et de plus, quelles femmes ont reçu la révélation de Yéchoua ? Salomé ! Myriam de Magdala ! Une nymphomane et une prostituée ! Deux virtuoses du bassin ! Deux exaltées qui se convertissent, qui passent de la débauche au mysticisme ! D’une transe à l’autre !
    — Cette Myriam de Magdala exerce-t-elle toujours son métier ?
    — La pécheresse prétend que c’est Yéchoua qui l’a éloignée du vice. Facile ! Elle avait compris qu’elle atteignait l’âge du rebut. Des chiennes, toutes des chiennes !
    Je laissai Caïphe vitupérer puis, profitant d’une respiration, je lui exposai ma nouvelle théorie. Il m’écouta d’abord avec agacement, puis avec intérêt, enfin avec soulagement.
    — Naturellement, tu as raison, Pilate : Yéchoua pourrit quelque part tandis qu’un sosie a repris son rôle. Mais qui ?
    Nous réfléchissions. Par la fenêtre, je regardais le jour baisser. Le ciel devenait violacé, les corps ne portaient plus d’ombre sur les pavés. C’était l’heure indécise où le jour et la nuit glissent l’un sur l’autre sans qu’aucun ne l’emporte. Je ressentais la torpeur de ce moment immobile.
    Ni l’un ni l’autre nous ne pouvions dénicher, dans nos souvenirs, un sosie de Yéchoua car Yéchoua n’avait pas un physique remarquable. De lui on ne retenait aucun trait précis. Je ne me rappelais qu’un regard, un regard d’une intensité suspecte.
    Caïphe me quitta en me promettant de réfléchir et de consulter les membres du sanhédrin. Mais je ne croyais pas la méthode efficace : le sosie pouvait très bien venir d’ailleurs, de Galilée par exemple, et nous être inconnu. Non, il me fallait le prendre sur le fait, pendant sa mystification. Mais comment le prévoir ?
    J’examinai de nouveau l’ordre et le lieu de ses apparitions pour y trouver une piste. Je n’y voyais rien, sinon… sinon une prise de risque toujours plus importante. L’escroc avait commencé à jouer sa farce à Salomé qui connaissait très peu Yéchoua ; puis aux pèlerins d’Emmaüs qui l’avaient suivi plusieurs semaines. Alors, encouragé par son succès, il avait eu l’audace de s’approcher de Myriam de Magdala qui fréquentait le Nazaréen depuis des années… Nul doute que, désormais, il allait tenter une apparition auprès des intimes de Yéchoua.
    Qui choisirait-il ? Les disciples, la famille ? Comme les disciples étaient interdits de séjour à Jérusalem, il allait sans doute leur préférer la famille. S’il était capable de la convaincre, l’affaire était faite.
    Je ne convoquai que quatre hommes, dont Burrus. Je leur demandai de se cacher sous des manteaux de commerçants et je les emmenai, à la nuit, sur la place de la fontaine, là où Myriam de Magdala était venue annoncer la bonne nouvelle à la vieille mère du magicien.
    Mes hommes se répartirent dans l’ombre bleue pour faire le guet autour de la petite maison de pisé.
    Je ne te ferai pas plus languir, mon cher frère. Pendant la troisième veille après minuit, une ombre encapuchonnée se glissa dans la rue. L’homme avançait prudemment. Il se retournait sans cesse. Il prenait les précautions d’un voleur. Nous retînmes notre souffle. Il semblait hésiter. Nous avait-il devinés ? Il s’immobilisa un long temps. Puis, sans doute rassuré par la tranquillité, il s’approcha de la maison de Myriam. Je retins encore mes hommes. Il tergiversa encore, regarda derrière lui, puis frappa à la porte.
    Là, mes hommes se ruèrent. En un instant, il fut à terre, mains et jambes bloquées, la tête plaquée au caniveau plein d’ordures. Je m’approchai et j’arrachai sa capuche ; je vis apparaître le visage, grimé, du plus jeune disciple de Yéchoua.
    Yohanân, le fils de Zébédée, celui-là même qui, auparavant, était revenu

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