L'hérétique
d’assiégeants. Et pour un soldat comme Guillaume d’Evecque, c’était une
idée plus que réconfortante. Quand le canon était arrivé en ville, il s’était
demandé si Joscelyn allait lui présenter de nouvelles conditions. Mais dès que
l’arme avait rugi, fracassant la lourde porte, il avait compris que le jeune
homme – toujours aussi ardent, malveillant et inconsidéré – ne
voulait rien d’autre que la mort.
Il allait donc maintenant la lui donner.
— Quand le canon va tirer, indiqua d’Evecque à ses
hommes, ils vont arriver.
Il s’installa près de la porte, du côté ennemi de la
barricade, en espérant qu’il avait vu juste depuis le début. Il attendit en
regardant la lumière du soleil se déplacer sur les pavés de la cour. La
garnison comptait encore dix-huit archers aguerris et tous se trouvaient
derrière la barricade. Seize hommes d’armes attendaient l’assaut près de lui.
Tous les autres soldats avaient déserté, à l’exception d’une demi-douzaine de
malades. La ville était silencieuse. Seul un chien aboyait, et il jappa encore
quand quelqu’un lui donna un coup pour lui intimer le silence.
On va les repousser, songea Guillaume d’Evecque… Et
ensuite ?
Il n’avait aucun doute sur le fait qu’il allait refouler
l’ennemi, mais il savait aussi qu’ils resteraient largement inférieurs en
nombre et que sa garnison ne pouvait attendre aucun renfort de qui que ce soit.
Ils étaient beaucoup trop loin de toute aide possible. Si les assiégeants
connaissaient une sérieuse défaite ici, peut-être Joscelyn essaierait-il de
négocier. Messire Henri Courtois accepterait certainement une reddition
honorable, pensa le Normand, mais le commandant de Bérat avait-il de
l’influence sur l’exalté Joscelyn ?
Alors le canon tonna. Le bruit fit trembler le château sur
ses bases. Un boulet de fer traversa la porte et, dans un nuage de poussière
blanche, il arracha un gros bloc de pierre dans le mur du donjon, tout près de
l’escalier d’accès. Guillaume se contracta. Ses oreilles bourdonnaient sous
l’effet de l’écho terrifiant. Puis il entendit les cris et le bruit des lourdes
bottes sur les pavés de la place devant le château. Il avait vu juste. Il
repoussa le couvercle du tonneau d’huile et renversa d’un coup de pied la
barrique. Le liquide verdâtre se répandit sur les pavés près de la porte. Au même
instant, il entendit une voix hurler dehors :
— Pas de prisonniers !
La voix de l’homme était déformée par la visière de son
heaume abaissée.
— Pas de prisonniers !
— Archers ! cria messire Guillaume tout en se disant
que cet avertissement était parfaitement inutile.
En l’absence de Thomas, les archers avaient à leur tête
Jake, qui n’appréciait pas trop cette responsabilité, mais qui aimait bien
messire Guillaume et était tout disposé à combattre pour lui. L’Anglais ne dit
rien à ses camarades. Ils n’avaient pas besoin d’ordres. Ils attendaient déjà
avec leurs arcs à demi bandés, des flèches boujons sur les cordes. Puis
l’entrée fut envahie d’arbalétriers. Derrière eux, des hommes d’armes
accouraient, beuglant leurs cris de guerre. Conformément aux instructions
données, Jake attendit encore un instant que les premiers hommes glissent sur
l’huile d’olive et ce n’est qu’alors qu’il hurla :
— Lâchez !
Dix-huit flèches se faufilèrent dans le chaos. Sous la
porte, les premiers attaquants s’affalaient sur les pierres. Les hommes qui
arrivaient derrière leur passaient dessus. Et les boujons vinrent ajouter à la
confusion. L’assaut se trouvait encore à dix pas de la barricade, mais il était
déjà neutralisé car l’étroite porte du château était obstruée par les blessés
et les morts. Épée tirée, messire Guillaume se tenait prêt sur le côté,
immobile, attendant que les archers achèvent leur travail. Il était toujours
étonné par la vitesse à laquelle ils réencochaient leurs flèches. Il regarda
une seconde, puis une troisième volée transpercer les mailles et les chairs. Un
arbalétrier parvint à s’extraire du chaos et, courageusement, essaya de lever
son arme. D’Evecque s’avança et abattit violemment son épée à la base de la
nuque non protégée de l’homme. Les autres arbalétriers envoyés en première
ligne étaient tous morts ou blessés. Leurs corps se mélangeaient avec ceux des
hommes de Joscelyn. Des flèches saillaient des mailles
Weitere Kostenlose Bücher