L'Héritage des Cathares
diviser le groupe en deux, m’informa-t-il d’un ton que je connaissais bien et qui excluait toute contestation. Ugolin et toi poursuivrez vers Montségur avec les Parfaits et le reste des troupes. Dame Esclarmonde, Drogon, Raynal, Eudes et moi-même voyagerons séparément. Nous nous retrouverons là-bas.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Pourquoi nous séparer ? Nous serons plus en sécurité ensemble.
— Ne pose pas de questions et fais ce qui a été décidé.
— Décidé ? Et par qui ? m’insurgeai-je, irrité. J’avais l’impression que cela était ma prérogative.
— Sire Gondemar, intervint Esclarmonde avec douceur. Votre tâche est de mener ces gens vers la sécurité. La mienne est autre. Accomplissons chacun la nôtre au mieux.
— Comme vous voudrez, rétorquai-je, contrarié. Vous êtes consciente des dangers, je suppose.
— N’ayez crainte, je serai en sécurité.
Un des templiers aida galamment la Parfaite à monter sur son cheval. Puis tous enfourchèrent leur monture. Sans même une salutation, ils franchirent au galop la porte qu’on leur tenait ouverte, emportant mon maître avec eux.
Il nous fallut encore une demi-heure pour achever les préparatifs du départ pour le reste du groupe. Lorsque nous quittâmes Quéribus à notre tour, Montbard et les templiers avaient déjà disparu.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? demanda Ugolin, qui chevauchait à mes côtés. Que font des templiers à Quéribus ?
— Qu’on me tourne en bourrique si j’en ai la moindre idée, grommelai-je.
— Et pourquoi Montbard voyage-t-il avec eux ? J’avais l’impression qu’il te collerait au cul jusqu’à la fin des temps. A-t-il à nouveau changé de camp, celui-là ?
— Pour te répondre, il faudrait que je puisse dire quel camp est lequel. Tout cela est bien embrouillé.
Sachant que si mon maître avait désiré révéler son appartenance à l’ordre du Temple, il l’aurait fait lui-même, je changeai de sujet.
— Tu as appris quelque chose d’utile pendant notre séjour ? m’enquis-je.
— Des nouvelles pas très roses. Certains soldats moins fermés que ce Chabert étaient trop heureux de trouver quelqu’un avec qui discuter, répondit-il avec un sourire coquin.
— Et. ?
— Minerve est tombée.
— Regrettable, mais guère étonnant.
— Guillaume de Minerve a convenu de céder le château et ses terres, en échange de quoi les habitants seraient épargnés.
— Sans condition ? m’étonnai-je.
— Ha ! Montfort est bien trop fourbe pour ça ! Il a exigé que tous prêtent allégeance à l’Église chrétienne et abjurent leur foi.
— Mais les cathares refusent de prêter serment, c’est bien connu.
— Justement ! Les cent quarante Parfaits qui se trouvaient à l’intérieur des murs ont refusé d’abjurer.
— Laisse-moi deviner la suite : ils ont été passés par l’épée ?
— Si ce n’était que cela.
Le géant grimaça de dégoût.
— Il paraît que Montfort a fait préparer un bûcher et qu’ils y sont tous montés de leur plein gré. Des hommes et des femmes. On raconte qu’ils dansaient et chantaient pendant que les flammes les brûlaient vifs. Lorsque tout a été terminé, il a poussé l’injure jusqu’à faire recouvrir de boue les corps calcinés pour qu’ils ne puent pas.
— Il ne fallait quand même pas espérer une sépulture décente de ce fanatique. Je ne crois pas que la charité soit son point fort.
— Au moins, ils sont libérés de la chair, les pauvres bougres, soupira le Minervois. Que Dieu me pardonne, mais si je mets jamais la main au collet de Montfort, je l’empalerai sur mon épée par les fondements jusqu’à ce que la pointe lui en sorte par la gueule. Et je le forcerai à chanter, juste pour le plaisir.
Ugolin se racla la gorge et cracha de dépit.
— On dit qu’il se dirige maintenant vers Termes, poursuivit-il.
J’abandonnai Ugolin à ses désirs de vengeance, fort compréhensibles par ailleurs, mais non moins vains, et m’enfermai dans un mutisme épais. Pernelle avait eu raison. Cent quarante innocents étaient morts. Le fait que je n’aurais rien pu faire pour eux même si je m’étais précipité à leur secours n’allégeait en rien ce poids supplémentaire sur ma conscience.
Troublé par ce que je venais
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