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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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craintivement, lui caressai les naseaux. Il s’ébroua joyeusement puis piaffa, comme s’il désirait que je le monte sans plus attendre pour s’élancer aussitôt à toute vitesse. Du nez, il me fouilla le creux de la main et me chatouilla, ce qui me fit rire.
    —    Merci, père. Sauvage. murmurai-je comme un amant à sa maîtresse. Tu t’appelleras Sauvage.
    De temps à autre, en revenant de l’écurie, il m’arrivait d’entrevoir Pernelle, qui prenait l’air sans s’éloigner de la maison familiale où elle semblait s’être emmurée elle-même. Souvent, Odon rôdait autour d’elle. Plusieurs années s’étaient écoulées depuis le passage des brigands. Ayant dépassé l’âge où les filles se mariaient, Pernelle restait obstinément seule et isolée de tous. Certes, elle n’était pas belle et les brigands l’avaient souillée devant tout le village, mais cela n’aurait dû l’empêcher de trouver mari. De toute évidence, elle ne le souhaitait pas. Elle était la geôlière de sa propre prison. Petit à petit, sous le poids de la culpabilité, la compassion que j’avais ressentie pour elle se muait en colère et en ressentiment. Je ne méritais pas d’être ainsi rejeté. J’éprouvais encore le besoin de lui parler, certes, mais je me contenais. Elle m’avait chassé de sa vie et je n’allais pas y rentrer en rampant. C’était à elle de venir à moi. Pourtant, malgré les rigueurs imposées par Bertrand de Montbard, qui occupaient mes journées, il restait toujours en moi un vide que seule la présence de mon amie aurait pu combler. Chaque jour, je m’en détachais un peu plus, mais jamais je ne pourrais oublier tout à fait le bonheur que j’avais connu en sa compagnie.
    Depuis le jour où mon père m’avait placé entre ses mains, le maître d’armes était la seule personne que je fréquentais ; le seul qui, hormis ma mère, me traitât d’une façon qui s’approchait quelque peu de l’affection. Au fil des ans, sa compagnie m’était devenue chère. Car le combat singulier est chose étrange. La proximité physique ; l’effort, la douleur et la fatigue partagés ; l’exposition inévitable des faiblesses qui force l’humilité ; les sueurs qui se mêlent, tout cela favorise la familiarité. Les années passant, une virile amitié naquit entre nous.
    Plusieurs fois, je fus près de lui raconter ce que j’avais fait, jadis, aux garçons qui m’avaient maltraité. Je m’en empêchai toujours, sachant qu’il y verrait une preuve de ma propension à céder à mes bas instincts. Je lui faisais néanmoins confiance plus qu’à personne d’autre et, un jour, alors que nous nous désaltérions, assis côte à côte, après une séance fort exigeante, j’osai aborder avec Montbard la situation de Pernelle. Je lui exposai ce que je me rappelais des événements survenus lors du passage des brigands, puis l’attitude subséquente de mon amie. Il se rembrunit visiblement au fil de mon récit.
    —    J’ai déjà connaissance de cette histoire. Ton père m’en a fait part lorsqu’il m’exposait la situation de Rossal.
    —    Pourquoi m’ignore-t-elle ? insistai-je.
    —    La pauvrette a été brisée, mon garçon, dit-il sombrement, l’œil fixé sur le sol.
    Il se retourna vers moi et j’aperçus dans son regard une commisération qui m’étonna.
    —    J’ai trop souvent vu une telle chose. Une enfant ne se remet pas aisément de ce traitement.
    —    Mais pourquoi refuse-t-elle de me voir ? M’en veut-elle ? J’aurais voulu la protéger, mais j’en étais incapable ! Si la chose se produisait aujourd’hui, ce serait différent.
    —    Elle a été traitée comme un quartier de viande. Elle se sent souillée. Salie. Elle a le sentiment de n’être digne de personne. Elle a certainement peur des hommes aussi. Très peur. Et, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, jouvenceau, c’est ce que tu es devenu.
    Montbard soupira et haussa les sourcils.
    —    Sois patient. Peut-être qu’elle arrivera à surmonter sa peur et se trouvera dans de meilleures dispositions. Mais un conseil : n’entretiens pas de vain espoir.
    Montbard se leva d’un trait et me lança mon épée.
    —    Un jour, tu seras seigneur de Rossal. Tu pourras fendre la panse des coquins avant qu’ils ne commettent ce genre de choses. Cela, je te le promets sur mon honneur.
    Je connaissais déjà le plaisir de la vengeance. Ce jour-là, je réalisai que le

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