L'Héritage des Templiers
pierre. Des chants mélancoliques s’élevaient à travers les vapeurs d’encens.
Les chants cessèrent lorsque le sénéchal s’avança. « Nous sommes ici pour honorer notre maître. Prions », ordonna-t-il.
Après la prière, ils entonnèrent un hymne à la gloire du défunt.
« Notre maître a accompli une tâche exemplaire. Vous qui êtes fidèles à sa mémoire, rassurez-vous. Il aurait été fier. »
Il y eut un silence.
« Qu’est-ce qui nous attend ? » murmura l’un des frères.
Le panthéon n’était pas le lieu le plus approprié pour parler politique mais, étant donné l’inquiétude ambiante, le sénéchal fit une entorse à la règle.
« L’incertitude, annonça-t-il. Frère de Rochefort est prêt à prendre les commandes. Ceux d’entre vous qui participerez au chapitre devront tout faire pour l’en empêcher.
— Il mènera l’ordre à sa perte, murmura un autre moine.
— Je le crois, moi aussi, reconnut le sénéchal. Il pense pouvoir venger un outrage vieux de sept siècles. Même si c’était vrai, pourquoi le ferions-nous ? Nous avons survécu.
— Ses disciples nous harcèlent. Ceux qui lui résistent seront punis. »
Voilà pourquoi si peu de frères s’étaient joints à lui, songea le sénéchal. « Nos ancêtres ont dû faire face à une multitude d’ennemis. En Terre sainte, ils ont affronté les Sarrasins et sont morts avec dignité. Ici, ils ont enduré la torture infligée par l’Inquisition. Notre maître Jacques de Molay est mort sur le bûcher. Rester fidèle à notre idéal, telle est notre mission. » Des paroles peu convaincantes, il le savait, qui devaient malgré tout être prononcées.
« De Rochefort veut en découdre avec nos ennemis. L’un de ses comparses est allé jusqu’à dire qu’il comptait reprendre possession du saint suaire. »
Le sénéchal tressaillit. D’autres penseurs radicaux avaient déjà proposé de relever ce défi par le passé, mais les maîtres successifs s’y étaient opposés. « Nous devons lui barrer la route au moment du chapitre. Il ne peut heureusement pas contrôler le processus de sélection.
— Il m’effraie », déclara l’un des frères, et le silence qui fit suite à ses paroles montrait qu’il exprimait un sentiment unanime.
Au bout d’une heure de prière, le sénéchal donna le signal. Quatre moines vêtus d’une robe écarlate emportèrent le cercueil du maître.
Le sénéchal s’approcha de la porte d’or, flanquée de deux colonnes en porphyre rouge. Elle ne tirait pas son nom du matériau qui la composait mais de ce qui jadis était entreposé derrière ses vantaux.
Chacun des maîtres reposait dans son propre loculus, sous la voûte de pierre bleu foncé constellée d’étoiles dorées qui étincelaient à la lueur des lampes. Les corps étaient depuis longtemps redevenus poussière. Des maîtres, ne restaient que les ossements conservés dans des châsses portant leur nom et la durée de leur mandat. À sa droite, il aperçut une niche vide où la dépouille de son maître reposerait pendant un an. C’est alors qu’un frère transférerait le squelette dans l’ossuaire. Ces rites funéraires, que l’ordre pratiquait depuis longtemps, avaient été ceux des Juifs en Terre sainte du temps du Christ.
Les quatre porteurs déposèrent le cercueil dans la niche désignée. Dans la pénombre du panthéon régnait un calme profond.
Les souvenirs de son ami se bousculaient dans l’esprit du sénéchal. Le maître était le plus jeune fils d’un riche marchand belge. Les raisons qui l’avaient poussé vers l’Église restaient mystérieuses, c’était simplement quelque chose qu’il devait faire. Il avait été recruté par l’un des nombreux émissaires de l’ordre disséminés aux quatre coins du monde qui s’y entendaient pour sélectionner les futurs membres de la confrérie. La vie monastique lui convenait et, en dépit de ses fonctions subalternes, au décès de son prédécesseur, c’était lui que les frères réunis en chapitre avaient désigné comme nouveau maître. C’est ainsi qu’il avait prêté serment. « Je fais don de ma vie à Dieu tout-puissant et à la Vierge Marie pour le salut de mon âme, pour vivre cette sainte existence tous les jours de ma vie jusqu’à mon dernier souffle. » Le sénéchal avait prononcé ces mêmes paroles.
Il repensa au commencement de l’ordre, aux cris de ralliement sur les champs de bataille,
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