L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes
une vingtaine n’ont plus de vêtements, sauf des loques immondes ; les femmes ne sont guère plus favorisées ; quant aux enfants, une trentaine circulent pieds nus, tous sont en guenilles, d’une saleté repoussante, et faute de rechange, il est impossible de faire désinfecter et réparer les hardes de toute la collectivité.
Dès mon entrée en fonctions, j’ai demandé que des vêtements militaires déclassés soient mis à ma disposition en vue :
1. d’habiller les plus misérables,
2. de pouvoir disposer de vêtures provisoires permettant d’étuver et réparer les effets des internés.
Cette opération est indispensable et urgente car le milieu actuel constitue par suite de la saleté qui y règne en maîtresse absolue, un bouillon de culture propre à favoriser l’éclosion de n’importe quelle épidémie dont la population du camp ne serait pas seule à se ressentir. Plusieurs décès se sont déjà produits par suite de misère physiologique. La vermine ronge littéralement les internés.
Il m’a été objecté que les vêtements militaires déclassés étaient réservés pour le Secours National et je n’ai pu obtenir les vêtements et chaussures indispensables.
L’avis inséré dans « L’Ouest-Éclair » du 6 mars courant me donne à penser qu’il serait possible d’obtenir de votre organisation ce qui fait si gravement défaut à mes administrés.
Par ailleurs, en se plaçant au point de vue moral et social, il semble dangereux de laisser toute cette population dans une semi-oisiveté. Les hommes sont bien employés aux travaux d’aménagement du camp, mais les femmes ne font guère que les travaux d’épluchage des légumes. Elles ne peuvent ni laver, ni raccommoder les effets de leur famille faute de rechange ; elles ne peuvent confectionner du « neuf » faute de ressources et de matières premières.
Dans ces conditions, il m’a semblé qu’il serait possible d’essayer de les faire concourir pour l’utilisation et la transformation des vêtements militaires comme l’indique l’avis inséré dans la presse.
La présente lettre vous sera remise par mon secrétaire M. Brellier qui vous donnera toutes les explications que vous jugerez utile de lui demander. Il m’aurait été agréable de venir personnellement vous entretenir de cette question dont l’importance et l’urgence ne sauraient vous échapper ; malheureusement les nécessités du service m’interdisent de quitter mon poste ne serait-ce qu’une demi-journée. Je m’en excuse auprès de vous et je demeure persuadé que malgré cela la solution indispensable pourra intervenir sans autre délai.
(Formule de politesse.)
Signé : Leclercq.
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Centre de séjour surveillé de Choisel
Compte rendu de punition infligée à une internée avec demande d’augmentation.
N° 909/M.
Nom et prénom : Siegler Ernestine, matricule 375, section « N » : nomades.
Nature de la punition : 8 jours d’internement aux locaux disciplinaires.
Motif : a provoqué un scandale en essayant de forcer la consigne d’une sentinelle qui lui interdisait de sortir de la section « nomades » sous un prétexte futile.
A grossièrement insulté le personnel de garde et a essayé d’ameuter les autres internés (demande d’augmentation).
Circonstances de la faute : le 14 juin 1941, Ernestine Siegler a voulu franchir la clôture du quartier réservé aux nomades et se rendre à la popote des gendarmes pour s’y procurer un litre de vin. La sentinelle lui a interdit le passage. Elle s’est mise à vociférer, disant que les internés n’étaient pas au bagne, que les gendarmes étaient pires que les « boches » et que les internés étaient des imbéciles et des lâches et qu’ils devraient profiter de leur nombre pour se révolter et reprendre leur liberté.
Le chef de garde étant intervenu pour essayer de la calmer, il a été grossièrement insulté, et la nommée Siegler Ernestine ne s’est tue qu’après avoir été conduite aux locaux disciplinaires où elle a immédiatement été internée.
Arrivée au camp le 5 décembre 1940, venant de la prison de Vannes où elle venait d’accomplir une peine de deux mois pour coups et blessures, la nommée Siegler Ernestine est le type accompli de la mégère qui cherche toutes les occasions et en provoque même pour faire du scandale. Elle abuse du fait que les procès-verbaux dressés à l’encontre des internés pour outrage
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