L'homme au ventre de plomb
nécessaires et de ne plus tolérer,
par un laisser-aller coupable, la clandestine usurpation du domaine
royal sans titres ni autorisations.
M. de
Saint-Florentin ajouta qu'il souhaitait, une fois l'affaire Ruissec
résolue, que Le Floch s'attachât pendant un temps Ã
étudier les conditions dans lesquelles était assurée
à Versailles la protection du roi, des princes du sang et,
ajouta-t-il, des ministres. Il ordonna à Nicolas de lui
soumettre un mémoire dont les conclusions seraient précisément
examinées et à partir desquelles on pourrait envisager
les décisions à prendre.
Quant au cas
particulier de Truche de La Chaux, il parut gêner le ministre,
qui s'en tint à une formule des plus vagues sur la nécessaire
prise en compte du bon plaisir d'une personne à laquelle, le
commissaire Le Floch le savait comme lui-même, il était
difficile de s'opposer. Nicolas approuva, se disant persuadé
que le garde du corps, personnage faux et léger, tout
convaincu qu'il fût d'indélicatesse et de vol, ne
paraissait pas impliqué au premier rang dans les crimes de
sang qui les préoccupaient.
Le ministre sonna
pour appeler un de ses commis de confiance. Il lui ordonna de se
mettre à la disposition du commissaire pour prendre toutes les
dispositions de recueil et de transport du corps. l'homme avança
qu'il était préférable de ne pas s'en remettre
aux exempts, dont la discrétion n'était pas toujours la
qualité cardinale. M. de Saint-Florentin l'interrompit pour
s'asseoir à son bureau et se mettre à écrire
comme s'il se fût retrouvé seul. Nicolas et le commis
sortirent en silence.
Rassembler les
porteurs, trouver un véhicule, et déterminer, sur un
plan du grand parc, un chemin perpendiculaire à l'atelier du
fontenier permettant de l'attendre discrètement, tout cela
prit un certain temps. Ils retrouvèrent les lieux en l'état,
gardés par Bourdeau et Semacgus, et le corps, recueilli dans
une bière provisoire, fut déposé dans un
chariot.
Le cortège
ressortir vers Satory et gagna la route de Paris. Nicolas suivait
dans sa propre voiture. Les barrières de la ville furent
franchies peu avant neuf heures. Nicolas avait dépêché
un exempt à cheval pour annoncer leur arrivée au
Châtelet. La bière fut descendue dans un caveau de la
Basse-Geôle situé derrière la salle d'exposition
publique des corps. Ces formalités accomplies et Semacgus
ayant pris congé, Bourdeau proposa à Nicolas d'aller se
restaurer dans leur estaminet habituel, rue du Pied-de-BÅ“uf La
voiture les y conduirait et les ramènerait ensuite Ã
leurs logis respectifs. Nicolas, qui n'avait rien dans le ventre
depuis son chocolat du matin et à qui les émotions de
la journée avaient plutôt ouvert l'appétit,
accepta volontiers. Il était fatigué par la succession
des événements de la journée, la lassitude
l'envahissait d'avoir pris sur lui pour conserver son sang-froid, et
ses tempes battaient. Il avait besoin de se requinquer par
l'ingestion de nourritures solides. Il lui avait fallu affronter
successivement une favorite sur la défensive, le choc de la
découverte d'un cadavre et la tension nerveuse d'un entretien
avec son ministre.
A présent,
assis à la vieille table branlante où ils savaient
trouver leurs aises, il entendait plus qu'il n'écoutait, dans
une sorte d'effondrement heureux de l'être, la conversation
entamée entre Bourdeau et le tenancier. L'homme de l'art leur
ayant proposé une matelote d'anguilles de Seine, Bourdeau, son
pays, le provoquait gentiment.
– C'est Ã
moi que tu proposes le service d'un de ces monstres que nourrissent
nos clients de la Basse-Geôle ?
– Je ne te
dis pas qu'elles n'y mettent pas la dent quand rien de plus
appétissant ne se propose. Ce que tu ignores, à faire
le faraud, c'est que ces bestioles raffolent des fruits du hêtre
et du cormier. Imagine le bon régime !
– Parle-moi
plutôt de ces belles demoiselles de la Vienne et de la Loire
fréquentant les eaux claires. As-tu vu ici, près des
boucheries, là où le sang coule dans le fleuve, le
frétillement de tes beautés ?
– Mais,
Pierre, perches et brochets en apparence plus ragoûtants ne
laissent pas leur part aux chiens...
– Soit, mais
ton anguille est par trop
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