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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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qu'il avait sauvé
était bien le même que celui qui portait les messages de
M. de Ruissec. Le temps était beau et clair et une bonne
marche dans le parc serait un plaisir. Au loin, les hauteurs du
plateau de Satory, surmontées d'un halo bleuâtre, se
teintaient d'or et de pourpre. Il gagna d'un bon pas la grille des
Matelots, aux abords du Grand Canal. Là, il interrogea le
garde, qui n'était pas le même que la fois précédente,
mais qui sut lui indiquer le chemin pour atteindre le hangar du
fontenier Le Peautre. Ce ne fut pas une mince affaire que de
traverser futaies, halliers et friches. L'atelier se trouvait dans la
partie du grand parc la plus proche encore de son état sauvage
d'origine. Le cœur battit à Nicolas quand une laie
suivie de ses marcassins déboula d'un taillis juste devant
lui. Plus loin, il aperçut un grand dix-cors solitaire qui
bramait, une colonne de vapeur s'élevant au-dessus de lui dans
la lumière diffuse du sous-bois.

    Peu avant
d'arriver à destination, il entendit un bruit étrange,
un claquement irrégulier suivi de longs grincements. Il se
dirigea au son et tomba pile devant la porte en rondins du hangar.
C'était elle qui battait, poussée par le vent. Nicolas,
après s'être assuré que son épée
jouait bien dans son fourreau, frappa. N'obtenant pas de réponse,
il entra dans la grange.

    Au début,
il ne distingua pas grand-chose. Une petite ouverture, taillée
dans l'épaisseur de la paroi, ne laissait passer qu'une pauvre
lumière. Il devina un amoncellement d'objets disparates. Le
bâtiment, assez étroit, était étonnamment
profond. Nicolas continuait d'avancer, toujours surpris par les
claquements et les grincements de la porte qui scandaient sa
progression. Des hennissements lointains le firent sursauter ; il se
tint sur ses gardes. Il était maintenant dans le noir le plus
total. Une autre impression, s'ajoutant à l'angoisse de
l'obscurité, s'imposa : une odeur métallique qu'il
connaissait trop bien.

    Il fit encore
quelques pas et sentit sous son pied une matière visqueuse. Il
se baissa vers le sol et le toucha de sa main. Il recula horrifié
et repartit en toute hâte vers la sortie pour vérifier
son appréhension. Dans la lumière de la forêt, sa
main lui apparut pleine de sang. Le rythme de son cœur
s'accéléra si fort qu'il dut s'appuyer, la respiration
lui faisant soudain défaut. Quelle horreur allait-il encore
devoir affronter à l'intérieur de cet antre ?

    L'atelier, à
première vue, semblait abandonné, mais il fallait s'en
assurer. Il s'efforça au calme, et le serviteur du roi reprit
le dessus. Il devait régler cette affaire seul. Le drame se
reliait sans doute à l'ensemble de son enquête, mais il
s'était déroulé en terre royale, dans le grand
parc. S'il allait chercher des secours sur l'instant, tout
deviendrait public. Or, il sentait qu'il fallait maintenir le secret
et éviter tout scandale.

    Il chercha autour
de lui de quoi tailler une torche. Un vieux pin lui offrit une de ses
branches encore imprégnée de résine. Il
recueillir de la mousse sèche qu'il humecta avec la sève
poisseuse, battit le briquet et réussit, en soufflant
doucement, à enflammer la mousse. Une courte flamme bleue avec
des accès jaunes jaillissait maintenant à l'extrémité
de son flambeau. Le parfum âcre de la résine se mélangea
à l'air embaumé de l'automne.

    Il pénétra
de nouveau dans l'atelier, et ne vit d'abord qu'un amoncellement de
bûches et lingots de plomb entassés les uns sur les
autres. La torche grésillait et produisait autant de fumée
que de lumière. Il trouva sur un établi couvert
d'outils une chandelle fichée dans un morceau de plomb
grossièrement travaillé. Il l'alluma et éteignit
la torche sur le sol. Son champ de vision s'élargit. Il
progressa vers le fond de l'atelier, et repéra aussitôt
la flaque sombre du sang qui lui parut immense. Puis, il perçut
des murmures, comme des paroles chuchotées. Cherchant à
s'orienter il finit par découvrir une petite porte basse au
fond de l'atelier. Il s'en approcha, en tourna le bouton. avec
précaution, la tira à lui. Un étroit boyau de
quelques toises conduisait à une autre porte ; c'était
derrière celle-ci qu'on parlait. Tout contre l'huis et les
sens aux

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