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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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tendue par la reine autour d’Odette.

XXII – L’HÔTEL DE BOURGOGNE
    Cette rêverie se résumait en un thème autour duquel évoluait l’arabesque des questions, des difficultés, des hypothèses entrelacées : Il faut sauver Odette.
    Il avait l’intuition très nette qu’elle ne consentirait pas à fuir l’Hôtel Saint-Pol et à abandonner le roi. Et là, dans cette vaste cité royale, guettait la reine. Quand il y songeait, quand il évoquait cette splendide image qui l’avait affolé, il se sentait une étrange horreur à comprendre qu’il la haïssait, – et c’était presque l’horreur d’un artiste obligé de détruire quelque beau chef-d’œuvre. Belle et hideuse, ces deux termes s’associaient en lui, et sa résolution de se dresser devant Isabeau en ennemi mortel s’aggravait d’instant en instant… Il faut sauver Odette, comme autrefois Roselys. Se jeter à l’eau, résolument, sans réflexion.
    Et le formidable point d’interrogation s’érigeait.
    Faible, isolé, comment et par où attaquer la reine, où tout au moins la paralyser ?
    Prévenir ce Champdivers ; c’était urgent.
    Et encore, se faire un allié de quelque puissant seigneur.
    Lequel ?
    Jean de Bourgogne !
    Ceci, naturellement, se présenta à l’esprit de Passavant : Jean sans Peur, contre un dévouement absolu dont il avait peut-être besoin, était capable de sauver Odette.
    – Monseigneur, voici mon épée, faites-en ce que vous voudrez, mais garantissez-moi vie sauve pour Odette. Je ne me donne pas. Je me vends. De mon sang, j’achète la sécurité de cette jeune fille. Le marché vous va-t-il ? Je suis à vous. Sinon, rien de fait.
    Pendant ces débats qu’il eut avec lui-même, la journée coulait. Thibaud Le Poingre était monté plus riant que jamais. Le chevalier avait sorti le fameux sac du coffre et demandé sa note que Thibaud avait énergiquement refusé de rédiger. Puis le jeune homme avait fait un excellent dîner, dévoré avec cet implacable appétit de la jeunesse. Puis il s’était installé devant un de ces flacons de vin des Îles qu’au dire de Gringonneur Thibaud réservait pour le roi. C’est à peu près vers le moment où le flacon se trouva vide et où l’obscurité du soir commença à entrer dans la chambre que le chevalier de Passavant prit la résolution de « se vendre » à Jean sans Peur.
    Le prix, c’était l’existence d’Odette assurée.
    En somme le chevalier de Passavant trouvait tout naturel d’effacer sa personnalité et d’offrir sa vie. Cette manière de penser côtoyait le sublime. Mais on l’eût fort étonné en le lui apprenant.
    Comme il concentrait ainsi toute son imagination sur le duc de Bourgogne, la porte s’ouvrit et Ocquetonville parut ; le chevalier fit monter un autre flacon ; les innombrables salamalecs alors en usage furent échangés ; chacun vida d’un trait son gobelet, et alors, Ocquetonville, les jambes allongées, le coude sur la table, l’épée en travers des genoux, d’une voix sourdement rageuse :
    – On ne parle que de vous, chevalier : il paraît que vous avez produit un merveilleux effet à la cour, au bal de cette nuit, et que Sa Majesté la reine vous a remarqué.
    – Moi aussi je l’ai remarquée, dit Passavant de son air glacé.
    – Ah ! Ah ! fit Ocquetonville effaré. Excusez-moi, je ne suis pas habitué à ces façons de parler…
    – Bah ! Vous vous habituerez. Au fait, baron.
    – Le fait, c’est que Mgr le duc de Bourgogne… l’auriez-vous remarqué, lui aussi ?
    – Ma foi, je vous avoue que justement je pensais à lui.
    – Très bien. Monseigneur, donc, plus que jamais, souhaite vous voir à son service, et je viens vous dire…
    – Ne dites rien, mon cher. Je sais. Tenez, achevons ce flacon, et en route.
    – En route ?
    – Ne venez-vous pas me chercher pour me conduire à Jean de Bourgogne ?
    – Et vous êtes décidé à me suivre ? fit Ocquetonville.
    – À vous précéder, baron ; je conviens au duc de Bourgogne ; le duc me convient ; je vais à lui, et lui dis : Touchez-là, Monseigneur. Je suis votre homme. Que faut-il de plus ?
    Ocquetonville se leva. Il était pâle.
    – S’il en est ainsi, dit-il, partons. Car Monseigneur…
    – Est aussi pressé de m’avoir à son service que je le suis de lui offrir ma rapière… Je sais. Partons.
    Ocquetonville frappa du talon, et cette haine qu’il contenait mal, haine de jalousie surtout, flamboya soudain sur

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