L’Inconnue de Birobidjan
changer dâavis ?
â Pourquoi lâaurais-je fait ?
â Ãa ne vous gênait pas quâune communiste paie votre résidence au Volney ?
â Je lâai quittée pour ça, pour que Dotie ne paie plus mon loyer.
â Pas parce que vous saviez quâelle était communiste ?
â Non ! Non !
â Pourquoi, alors ?
â Je ne me sentais pas à lâaise dans ce quartier riche, et pas à lâaise quâelle paie. Câest tout.
â Parce que vous lui mentiez ? Parce que vous vous faisiez passer pour juive ? Parce quâau Birobidjan vous mentiez à tous ?
â Peut-être.
â Ou vouliez-vous habiter dans un endroit plus discret pour votre travail dâespionnage ?
â Vous dites nâimporte quoi !
â Mrs Parker vous a-t-elle parlé dâun homme nommé Otto Katz ?
â Non.
â Ce nom ne vous évoque rien ?
â Je lâai entendu à Hollywood. Je crois quâil avait été le mari de lâactrice Marlene Dietrich.
â Vous ne saviez pas que le FBI le recherchait et que votre amie Mrs Parker le connaissait bien ?
â Non.
â Connaissez-vous un nommé Harry Gold ?
â Non.
â Vraiment ?
â Pourquoi devrais-je le connaître ?
â Avez-vous déjà rencontré des personnes se nommant Morton Sobell et David Greenglass ?
â Non. Je ne sais pas qui câest.
â Un nommé Joel Barr ?
â Non.
â Alfred Sarant ?
â Non.
â William Perl ?
â Je nâai jamais entendu ces noms.
â Vous nâavez jamais entendu le nom de Sobell, Morton Sobell ?
â Je viens de vous le dire.
â Pourtant, M. Sobell habite comme vous au 35 Hester Street, Lower East Side. Lâappartement au-dessus de votre chambre, pour être précis, Miss Gousseïev.
Shirley et sa collègue suspendirent leur frappe. Le silence vibra comme une lame. McCarthy et Nixon découvrirent leurs dents dans un mauvais rictus. Le front de Mundt était aussi plissé quâun champ de labour.
Et moi⦠jâavais cassé la pointe de mon crayon en entendant la plupart des noms que T. C. mâavait cités la veille !
Cohn abandonna sa fiche sur sa table avec un regard à lâintention de Wood.
â Monsieur le président, Morton Sobell est recherché par le FBI. Il a quitté son appartement avant-hier, le 22 juin. On suppose quâil est en fuite au Mexique. Le cabinet du procureur général Saypol, auquel jâappartiens, détient la preuve que Sobell fait partie dâun réseau soviétique dâespionnage dont de nombreux membres agissent à New York.
â Je ne le connais pas ! sâécria Marina. Je ne connais pas mes voisins⦠Ãa ne mâintéresse pas, de les connaître. Je nâai pas lâhabitude de⦠Ce nâest pas parce quâun espion vit dans un immeuble que tous les habitants de cet immeuble sont des espions !
Elle parlait vite. Trop vite. Son accent était reparu et déformait ses mots. Pour la première fois depuis longtemps, elle ne maîtrisait pas sa voix. La peur était de retour sur son visage.
Cohn opina :
â Bien sûr, vous avez raison.
Son ton montrait à quel point il était satisfait. Il avait obtenu en dix minutes tout ce quâil voulait : la preuve quâon ne pouvait pas se fier à la parole de Marina Andreïeva Gousseïev ; et que, probablement, si on lui en donnait lâoccasion, elle continuerait de mentir.
La mécanique de suspicion de lâHUAC sâalimentait au principe quâil nây avait jamais de fumée sans feu. Marina Andreïeva Gousseïev était entrée aux Ãtats-Unis sous un faux nom lié à la mort dâun agent de lâOSS, elle sâétait fait passer pour juive, sâétait fait entretenir par une « vraie communiste juive » et, comme par hasard, elle était la voisine dâun espion identifié par le FBI !
Et Dieu sait ce que Cohn et le cabinet de Saypol gardaient encore dans leur manche. Dieu sait ce quâils allaient « découvrir » dans les bouquins et les scripts récupérés pendant la perquisition. Des microfilms
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