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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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les avait pris au piège.Von Paulus avait été fait prisonnier avec 90 000 soldats de la Wehrmacht. Cela datait déjà de trois jours, peut-être de quatre. Ici, dans ce fin fond de l’Orient sibérien, on apprenait toujours tout avec retard.
    Â 
    La nouvelle se répandit en quelques minutes. Les goyim se précipitèrent vers le bâtiment du comité tandis que les Juifs convergeaient vers le théâtre. Levine en fit ouvrir grand les portes, et la scène fut décorée en toute hâte. On sortit de la resserre à décors les bannières de velours rouge et or, frappées de la faucille et du marteau, utilisées lors des fêtes officielles. Sur l’une d’elles, offerte à la fondation de Birobidjan par la communauté juive de Kharkiv, en Ukraine, était brodée en yiddish une citation de Staline :
    Â 
    La juste cause de l’internationalisme prolétarien est la cause fraternelle et unique des prolétaires de toutes les nations.
    Â 
    Entre les bannières, un immense portrait de Staline lui-même fut suspendu aux cintres. Un Staline aux tempes grises mais à la jeunesse souveraine. Repeintes d’un rose lumineux, ses joues possédaient la douceur innocente d’une peau de bébé.
    Très vite, la salle du théâtre s’avéra bien trop petite pour accueillir la foule qui arrivait : des femmes, des vieux, des enfants qui s’entassèrent jusque dans le hall, se hélant les uns, les autres, s’enlaçant dans un ballet d’embrassades qui n’en finissait pas. Les compagnes de la datcha de Marina étaient là, bien sûr. En larmes, comme les autres. Grand-maman Lipa soutenait Boussia qui gémissait sans fin sur ses fils et son mari, morts sans avoir connu cette victoire tant attendue. Inna demandait à chacune de celles qu’elle étreignait si elle pouvait croire que son Izik était encore en vie.
    Marina, intimidée, étourdie par les cris et cette explosion d’émotions, n’osa pas les approcher. Elle se retira dans les coulisses. Inattendu, le souvenir de Lioussia Kapler occupason esprit. Comme tant de ces femmes autour d’elle, elle ne savait pas si elle pensait à un vivant ou à un mort.
    Levine apparut de l’autre côté de la scène. Affairé, donnant des ordres pour installer le pupitre des discours. Avec l’intention de le rejoindre et de proposer son aide, Marina repoussa le pan fixe du grand rideau. Et elle le vit.
    L’Américain. Le Mister Doctor Apron, comme l’appelait Nadia.
    Sa haute taille dominait la foule. Il embrassait des femmes, riait avec elles, les serrait affectueusement contre lui. La lumière crue des lampes jetait des reflets roux sur ses cheveux.
    Pendant quelques secondes, Marina fut incapable de détacher son regard de lui. Espérant qu’il devine sa présence, lève la tête vers elle. Imaginant, rêvant presque inconsciemment qu’il bondissait à nouveau sur la scène. Cette fois il la prenait dans ses bras, contre lui, comme aucun homme depuis longtemps ne l’avait fait.
    Un désir aussi nu qu’absurde ; aussi violent que sidérant.
    Par bonheur, Nadia et Guita surgirent à son côté, les bras chargés de caissettes.
    â€” Marinotchka ! Viens vite ! Viens nous aider…
    Elles avaient déniché des guirlandes colorées et voulaient les suspendre à l’entrée du théâtre, comme pour un bal. L’instant suivant, un petit orchestre de violons, clarinettes et bandonéons – trois ou quatre femmes et deux vieux à longues barbes – grimpa sur la scène. Il s’installa sous la photo de Staline juste avant que Levine, la commissaire Zotchenska et les membres du comité s’agglutinent derrière le pupitre pour les discours.
    Pendant une heure ce ne furent que hourras, applaudissements et larmes. Le poing levé, on acclama et scanda le nom de Staline. Les orateurs martelèrent la même promesse : la victoire de Stalingrad n’était que le premier pas d’une victoire totale sur les nazis. Ce premier jour de gloire n’était que l’aube de la gloire promise aux peuples socialistes. Le monde, désormais, avait les yeux tournés avec envie vers l’Union soviétique. Demain, l’Armée rouge serait à Berlin. Le sang et la vie des fils de

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