L’Inconnue de Birobidjan
dâHellman, de Parker, de Dashiell Hammett, de Garfield, Nick Ray, Losey, Dassin et dâun bon tiers dâHollywood. Le reste travaillait à la télé, à la radio, au théâtre, dans les journaux. Red Channels était tout de même un peu en retard sur les dernières nouvelles : Marina y était encore désignée comme « Maria Apron ».
Mais le mien ne se trouvait pas sur cette liste.
Câétait déjà ça.
Pourtant la mise en garde de Sam, trois heures plus tôt, me revint à toute vitesse dans le crâne. Ãa bouillait ! Nom de Dieu, oui, ça bouillait.
â Al ? Al KÅnigsman ?
Je me suis retourné dâun bloc, comme si jâallais faire face à un monstre. Ce nâétait que la collègue sténo de Shirley. Une petite dame dans la cinquantaine avec un casque de boucles brunes quâelle devait entretenir chaque soir par une panoplie de bigoudis.
Elle prit un air gêné, jeta un bref regard aux flics devant la porte. Elle ouvrit la main pour me montrer un billet plié sur sa paume.
â Câest de la part de Shirley.
Je saisis le billet en vitesse. Jâessayai dâadopter une attitude pas trop crispée.
â Merci pour la commission.
â Pas de quoi⦠Si ça vous intéresse : le président Wood a annoncé que lâaudience reprendrait dans cinq minutes.
â Merci encore.
Elle tourna les talons en faisant tressauter ses boucles.
Je mâéloignai un peu pour lire le billet de Shirley.
Â
Oublie le dîner de ce soir. Rentre chez toi et nâen bouge plus. Attention au téléphone. Ne cherche pas à me parler. On ne se connaît plus.
Ne garde pas ce billet sur toi.
P.-S. : ta Russe est complètement cinglée !
Â
Jâaurais bien voulu me moquer de la paranoïa de Shirley, mais je sentis seulement mon pouls sâaccélérer. Shirley avait appris quelque chose. Peut-être que le FBI était venu la cuisiner, lui poser des questions sur moi. Sur la fausse autorisation de visite à la prison.
Je jetai un coup dâÅil dans le hall tout en feignant de lire la liste du Red Channels . Il ne restait quâune paire de collègues à discuter dans un coin. Pas de flics en vue, à part les deux poireaux de la porte. Pas de chapeaux mous planqués derrière un Daily Mirror . Inutiles. Ils savaient où jâétais. Ils pouvaient surveiller ma voiture et patienter.
Je mâapprochai dâun des grands cendriers de bronze, y écrasai mon mégot pour rallumer tout de suite une autre cigarette. En faisant craquer mon allumette, je mis le feu aussi naturellement que possible au billet de Shirley avant dâen enfouir la cendre dans le sable.
Pendant une ou deux secondes je me demandai si jâallais retourner dans la salle dâaudience ou filer sans attendre. Jâaurais donné cher pour entendre la voix de T. C. Lhee me conseiller. Mais ce nâétait quâun mouvement de panique.
Je me calmai en faisant cinquante pas avant de présenter mon accréditation aux flics et de retourner dans la salle.
Â
Bien mâen prit. Jâentrai à lâinstant où sâouvrait la porte du fond. Les gardes poussèrent Marina devant eux. Elle nâavait pas refait son chignon. De ses deux mains entravées par lesmenottes elle retenait la bretelle déchirée de sa robe sous son caraco blanc simplement posé sur ses épaules.
Je me glissai en vitesse à ma place, sans un geste vers la table des sténos. Wood, lui, me suivit des yeux, aussi satisfait que sâil découvrait un rat dans sa salle dâaudience.
Cohn attaqua alors que les flics retenaient Marina debout devant la table des témoins.
â Miss Gousseïev, je vous informe que lâavocat du représentant Nixon déposera dans les heures qui viennent une plainte auprès du procureur général pour agression et tentative de meurtre devant témoin. Le Chairman Wood déposera aussi une plainte pour outrage envers la Commission. Les charges qui en résulteront sâajouteront à celles déjà retenues contre vous et à celles qui pourraient lâêtre à la suite des investigations menées par le FBI concernant vos activités dâespionnage.
Cohn se tut quelques secondes, selon le rituel habituel qui voulait que les procureurs
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