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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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accordent toujours un peu de temps aux cerveaux des accusés pour intégrer leur jargon.
    McCarthy, Nixon, Mundt et Wood dévisageaient Marina avec la même expression satisfaite et méprisante. Elle les ignorait. La tête légèrement inclinée, elle fixait la table devant elle. Impossible de savoir ce qu’elle pensait. Ses cheveux masquaient en partie son visage, mais ce que l’on devinait de ses traits était parfaitement calme. Plus rien n’était visible de sa fureur. Sous ses yeux, ses cernes doucement gonflés possédaient une sorte de tendresse, de délicatesse qui contredisaient la dureté de la bouche.
    Une fois encore, je ne pus m’empêcher de la trouver incroyablement belle. Et j’étais certain de ne pas être le seul dans la pièce. Ni que ce soit un atout pour elle devant cette brochette de machos obnubilés par la crainte de perdre la face devant une femme.
    Wood fit résonner son maillet.
    â€” Vous pouvez vous asseoir. La Commission a encore des questions à vous poser.
    Elle ne bougea pas. N’eut pas la moindre réaction.
    Cohn dit :
    â€” Miss Gousseïev ?
    Sans plus d’effet.
    Wood fit un signe aux gardes. L’un d’eux tira la chaise et voulut y pousser de force Marina. Elle se dégagea d’un coup d’épaule. Elle releva le visage et toisa McCarthy et Nixon. L’image d’un gibier au moment de l’hallali, faisant face aux plus dangereux chiens de la meute, me revint. Mais elle ne montra pas les crocs. Seulement du mépris.
    â€” Posez vos questions, je ne répondrai plus. C’est fini. Je ne dirai plus rien.
    â€” Miss Goussov…
    â€” Il est inutile que je vous parle. Vous n’écoutez pas. Je suis la femme de Michael Apron. Nous nous sommes mariés. Mais vous ne voulez pas me croire. Vous voulez simplement entendre ce qui vous arrange.
    â€” Vous êtes quoi ? Sa femme ?
    Wood en avait la bouche pendante. McCarthy aboya :
    â€” Apron vous a épousée ? Qu’est-ce que c’est que ce nouveau mensonge ?
    Je notai qu’il avait l’air plus furieux que surpris.
    Elle se contenta de sourire. Cohn insista :
    â€” Vous refusez de répondre ?
    â€” Vous inventez mon histoire. Vous n’avez pas besoin de moi pour ça.
    Et ce furent ses derniers mots devant la Commission.
    Â 
    Pendant un bon quart d’heure ils firent tout leur possible pour l’obliger à desserrer les dents. Avait-elle une preuve de ce mariage ? Où avait-il eu lieu, quand, pourquoi ? Ne pas répondre à la Commission constituait un nouvel outrage envers les membres du Congrès. Qu’espérait-elle ? S’en sortir comme ça ? N’éprouvait-elle aucune honte à salir avec ses mensonges la mémoire d’un mort, d’un soldat de l’Amérique libre ?
    Leur énervement était comique. Elle ne céda pas. Elle conservait le même visage calme, la même bouche close et dure. Mais dans le bleu si dense de ses iris je vis briller tout le plaisir d’une revanche. Elle leur avait lancé un appât. Ils y avaient mordu, mais leurs dents claquaient sur du vide.
    Nixon finit par avoir un grognement de dépit. Je continuais à observer McCarthy et à le trouver plutôt songeur. Comme si sa colère était de la comédie. Il marmonna quelque chose à l’intention de Wood, qui fit résonner le maillet et déclara l’audience ajournée. Il ferait savoir plus tard quand elle reprendrait.
    On regarda Marina disparaître derrière la porte en emportant son mystère. C’était bien joué. Une des plus belles sorties de théâtre que j’aie pu voir.
    Mais je fixais encore McCarthy. J’aurais juré que pour lui cette histoire de mariage n’était pas un scoop. Et mon intuition était bonne. Même s’il me fallut encore quelques jours pour en avoir la certitude, grâce à T. C. Marina ne mentait pas. Elle était bien l’épouse de Michael Apron.

Birobidjan
    Mai, octobre 1943
    La fête d’anniversaire de la création du Birobidjan approchait à grands pas. Il ne restait plus qu’une vingtaine de jours avant le 7 mai. En fin de journée, Metvei Levine pénétra discrètement dans la salle du théâtre. Il s’assit sur l’un des sièges du fond,

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