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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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Gousseïev allait bientôt lui appartenir. Il y aurait certainement des femmes pour l’envier, la jalouser.
    Elle fut saisie d’un long frisson. Levine s’assit sur le banc à côté d’elle, lui enlaça la taille. Elle aurait voulu le repousser, quitter le banc. Elle murmura seulement :
    â€” Il faut que je rentre.
    â€” Moi qui voulais danser avec toi avant de partir.
    Elle eut un petit rire, se redressa en chancelant.
    â€” Peux pas danser, trop saoule !
    Elle n’eut pas à feindre. Elle vacilla et Levine dut la retenir. Il y eut des rires autour d’eux. Entre les silhouettes, Marina devina la politruk Zotchenska qui les observait. Levine suivit son regard. Murmura à son tour :
    â€” Mascha ne t’embêtera pas pendant mon absence. Si tu es raisonnable, elle le sera aussi.
    Marina le fixa en fronçant les sourcils.
    â€” Raisonnable ?
    Levine ne précisa pas. Il l’entraîna loin de l’esplanade et du bal. Le bruit et la musique s’estompèrent. La lumière aussi. Levine la tenait serrée contre lui. Elle le laissait faire. Les larmes étaient revenues, ainsi que la pensée d’Apron.
    Pourquoi n’était-il pas là ? Pourquoi n’avait-il pas tenu sa promesse ? Que se passerait-il si elle le demandait à Levine ?
    Elle en fut tentée. Sut se retenir.  « Tu es complètement ivre ! »
    Elle aurait voulu s’arrêter. Se laisser tomber là, dans le noir. Se rouler en boule comme une enfant dans l’herbe du talus qui déjà repoussait sous les barrières des jardins. MaisLevine l’entraînait plus loin dans la nuit, doucement, gentiment, essuyant à nouveau les larmes qui mouillaient stupidement ses joues.
    Ils n’étaient plus loin de la datcha commune quand il s’enquit :
    â€” Tu ne t’es pas décidée ?
    Elle fit quelques pas avant de répondre, paupières closes, se laissant guider dans l’obscurité, luttant contre la nausée qui serpentait dans sa poitrine. Pas besoin de demander de quoi il parlait.
    â€” Non.
    â€” Pourquoi ? Je te déplais tant ?
    Elle jeta un peu trop fort :
    â€” Non. Tu es le plus bel homme que je connaisse. Tu sais même être gentil, parfois.
    â€” Alors ? Qu’est-ce qui te retient ?
    Elle ricana. Un vrai grincement.
    â€” Moi ! C’est moi qui me retiens !
    Levine ne répondit pas.
    Ils furent devant la maison. Un petit lumignon brillait au-dessus de la porte. Juste assez pour laisser deviner les veines des rondins du mur et un peu de la pâleur de leurs visages. Marina s’appuya contre le portillon de la barrière. Levine, sans la lâcher, bascula Marina vers lui. Le froid de la nuit était là, la tiédeur de leur haleine glissait sur leurs visages. Marina posa les mains sur les épaules de Levine, sans le repousser.
    â€” Tu ne connais rien de moi, Metvei Levine. Si tu me connaissais, tu tiendrais moins à moi.
    Levine rit. Un rire d’acteur, pensa-t-elle.
    â€” Qu’as-tu fait ? Tu as tué quelqu’un ?
    Elle ne répliqua pas. Le froid traversait ses vêtements. Elle se mit à trembler. Levine l’enlaça. Elle se laissa faire.
    Pourquoi avait-elle tant bu ? Elle n’avait plus de force pour rien, surtout pas pour se défendre d’un type comme Levine.
    Dans un éclair, un très vieux souvenir la traversa. La danse, l’alcool, la musique nasillarde du gramophone. Unsouvenir si net, si précis, qu’elle crut respirer de nouveau l’odeur de tabac de la tunique de Iossif Vissarionovitch.
    Avec un grognement de femme saoule elle trouva l’énergie de s’écarter de Levine. Il l’agrippa plus fort, la retint.
    â€” Marina !
    Elle lutta encore, faiblement. Devinant ce qui allait se passer. Entendant Levine déclarer :
    â€” Tu as remarqué ? L’Américain n’était pas là. C’est la fête de Birobidjan, et il n’est pas là.
    Elle cessa de lutter. Le froid collait à sa chair, maintenant.
    â€” Marina…
    La bouche de Levine chercha la sienne. Une bouche très douce, habile, brûlante, insistante, qu’elle laissa sans réagir parcourir son visage, ses lèvres.
    Comme une morte, songea-t-elle.
    Levine en prit conscience. Relâcha son

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