Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
Vom Netzwerk:
cessa de croître. Plus les heures passaient, plus la peur et les questions lui brûlaient la gorge.
    Qu’était-il arrivé ? Apron avait promis d’être de retour, et jusque-là il avait tenu ses promesses.
    Pourtant elle ne montra rien de sa frayeur et se mordit la langue plutôt que de poser la moindre question sur l’Américain.
    Alors que le crépuscule approchait, l’angoisse commença à déverser sur elle des images d’épouvante. Michael avait-il eu un accident ? Il pouvait être blessé ou perdu dans la taïga. Avait-il été imprudent ? S’était-il fait emporter par l’une de ces crues terrifiantes qui pouvaient détruire une maison ? Ou s’était-il mis en danger sur la frontière ? Levine avait-il quelque chose à voir avec son absence ?
    Levine qui, tout le jour, lui avait accordé une attention soutenue. L’avait fait applaudir à la fin du spectacle, s’était à nouveau fait photographier avec elle pour le journal. Un Levine qui ne faisait aucune allusion à sa proposition…
    Levine le patient, Levine le parfait.
    Trop parfait ?
    Lorsque le bal commença, Marina ne parvint pas à donner le change, usée de trop sourire, de répondre gentiment aux compliments, de promettre qu’on rejouerait bientôt la pièce en mime, oui, oui, dès que Levine reviendrait de Moscou… Car à présent tout Birobidjan savait que le camarade directeur monterait dès le lendemain dans le train qui le conduirait jusqu’au Kremlin. Et oui, avait-elle encore répété, la glace du mensonge dans la gorge, oui, en effet, ils formaient un beau couple. Mais seulement sur scène, n’est-ce pas ?
    Et les femmes qui l’écoutaient riaient en clignant des yeux.
    Pour consumer sa peur, incendier la sottise de ces mots et mater la panique qui lui dévorait les nerfs, elle but. Un verre après l’autre, avalant le feu translucide de la vodka. Jusqu’àce que l’ivresse l’oblige à s’asseoir sur un banc. Au moins, cela lui permit de refuser les danses et de s’abrutir dans la seule contemplation des couples tournoyant et sautillant au rythme infatigable des violons.
    Un instant, elle rêva qu’Apron apparaissait dans la foule des danseuses. Il lui faisait signe. Il riait de la trouver dans cet état. Puis ils dansaient comme ils avaient dansé la première fois.
    Non, pas comme la première fois. Différemment.
    Comme des amants dont les lèvres ont déjà baisé chaque parcelle de la peau aimée.
    â€” Marina ? Qu’est-ce qu’il t’arrive ?
    Ce n’était pas Apron qui s’accroupissait devant elle et lui prenait la main, mais Levine. Noyée dans son rêve, elle ne l’avait pas vu approcher. De l’index, il cueillit l’humidité de ses larmes au bas de sa joue.
    â€” Pourquoi pleurer ? Tu as magnifiquement joué !
    â€” Je ne pleure pas. C’est la vodka.
    Elle chercha un coin de son châle, s’essuya les joues.
    â€” J’ai trop bu ! Trop bu !
    Levine rit, enveloppa Marina de son châle avec des gestes doux, tendres. Levine le parfait.
    â€” Le mime de Iaroslav était une bonne idée. Mais nous deux, toi en mime et moi en déclamation, c’était encore mieux.
    Marina opina. Oui, ils avaient bien joué. C’était vrai. Levine s’était montré à la hauteur. Il fallait le reconnaître.
    Il s’inquiéta encore :
    â€” Tu es sûre que ça va ?
    â€” Juste le contrecoup. Trop longtemps sans avoir un public. Le trac…
    â€” Tu ne l’as pas montré.
    Levine lui caressa la joue, frôla sa bouche. Elle voulut détourner le visage mais sa tête dodelina, s’appuya un peu plus contre la paume de Levine. L’effet de l’alcool. Levine sourit. Levine le tendre.
    La musique, les rires devenaient bruyants autour d’eux. À la fin du jour, le désir de s’amuser avait vaincu la tristesse de Birobidjan.
    Marina devina les coups d’œil autour d’eux. Un ricanement désabusé s’étouffa dans sa poitrine. Tout le monde voyait Levine prendre soin d’elle. Pas de doute qu’il voulait qu’il en soit ainsi. Avant son départ, chacun, à Birobidjan, devait savoir que Marina Andreïeva

Weitere Kostenlose Bücher