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L'inquisiteur

L'inquisiteur

Titel: L'inquisiteur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Gougaud
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pourrait.
    — Je hais le Hongre, dit-il. Je voudrais le voir pendu.
Mais bien plus que sa perdition m’importent ta vie, et la grandeur de ce qui te
travaille.
    Alors Novelli se vit tout à fait désarmé en face de cet
homme qu’il avait toujours considéré avec hauteur parce qu’il jugeait son
intelligence lente et malhabile. Gui de l’Isle, cela se voyait à son air, le
savait pris d’amour pour Stéphanie. Il ne le raillait ni ne l’accablait de
questions impudiques. Il était infiniment meilleur que lui, plus compatissant, plus
proche qu’il ne le serait jamais de la noblesse véritable. Il était, lui, infaillible
devant les devoirs importants. « Et moi, pensa Novelli, moi qui aime faire
sonner mon nom comme un envol de vastes ailes, qui suis-je, en vérité ? Un
juge arrogant, un esprit orgueilleux, obscur, ridiculement embroussaillé dans
des maux inextricables où le moins futé des novices ne serait jamais tombé. »
Il se tenait très droit devant la cheminée, fixant les flammes avec l’envie de
s’y perdre, et Gui de l’Isle, regardant avec une affection de bonne bête
son compagnon désemparé, se disait qu’il savait enfin pourquoi il aimait tant
ce fou : parce qu’il s’acharnait à trouver des réponses introuvables dans
des recoins d’âme où il n’oserait jamais aller lui-même. Après longtemps de
silence, il dit, se levant et remuant l’air :
    — Autant que je pourrai t’aider à porter tes fardeaux, Jacques,
je le ferai. Pour l’heure, j’ai grand-faim. Allons déjeuner ensemble à l’évêché,
mère Grazide sera contente de te voir. J’aimerais te montrer certains plans de
mon architecte qui vont chercher très haut la lumière du ciel. Moi, vois-tu, je
me sens l’âme d’un archer de Dieu : planter dans les nuées une flèche de
cathédrale, voilà ce qu’il me faut accomplir. Remonte donc de tes enfers, peste
d’homme ! Je me sens futile comme une donzelle quand tu me regardes ainsi,
avec tes yeux de Christ. Allons, il nous faut aussi travailler aux funérailles
de ton oncle.
    Il parlait trop, à nouveau. Novelli voulut sourire et ricana,
faute de savoir mieux faire. Il pensa qu’il devait se tenir à Gui pour ne point
perdre pied, et aussi s’acharner à faire entrer l’Église dans l’esprit de
Salomon d’Ondes. Ce travail-là était beau, et le ramènerait à la clarté. Il n’était
que temps de s’atteler de bon cœur à l’œuvre.
    Quand il revint du palais de l’évêque, peu après l’heure de
vêpres, le frère portier lui dit que Stéphanie était depuis longtemps partie
avec des hardes sous le bras. Il avait cru qu’elle allait au lavoir, mais elle
n’était pas revenue.

8
    Novelli entra dans le couvent à grandes enjambées sonnantes,
flambant de rage, poussant violemment les portes, éventant de l’épaule la
flamme des lampes aux détours des couloirs et bousculant les moines sans les
voir, tant sa tête était haute. Il grimpa sous les combles où Stéphanie avait
son logement. En haut de l’échelle, il souleva à demi la trappe et l’appela par
l’entrebâillement, comme s’il espérait la voir apparaître. Il cria encore son
nom quand il prit pied sur le plancher branlant, puis traversa les toiles d’araignées
en cognant si fort du talon que le sol en trembla et que la poussière s’affola
dans les menus rayons de soleil tombés de la pente du toit.
    Stéphanie, avant de partir, avait lavé et mis en ordre son
réduit, au fond du grenier, dans l’angle bas de la muraille. Ses haillons de
vagabonde avaient disparu, les planches étaient encore humides et sentaient la
grande eau, la couverture était pliée sur le rebord de la lucarne et une bougie
neuve plantée sur le tabouret, à la tête de la paillasse. Novelli, courbé sous
la charpente, contempla ces objets en bon ordre avec une grande amertume et de
terribles jurons en tête. Ainsi, elle était partie le cœur léger. Pense-t-on à
remplacer les chandelles quand l’âme est prise de haute passion ? Non. Elle
avait fait, assurément, pareil ménage dans son esprit, elle s’était défaite de
lui sans plus de douleur qu’il n’en faut pour torchonner une chambre. Elle
avait tranquillement repris le fil du vent avec ses guenilles d’errante, après
avoir effacé les traces de sa halte, en fredonnant, sans doute, quelque
paillardise de cantinière. Car ce couvent n’avait été qu’une simple halte sur
sa route. D’ailleurs, elle l’avait dit : elle

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