L'Insoumise du Roi-Soleil
peux en entendre davantage ! rugit Saint Val. Qui êtes-vous, madame ?
— Hélène de Montbellay, dis-je, puisqu’il s’agissait de moi.
Son front se plissa :
— Montbellay ? Votre père n’est-il pas...
— Ne cherchez plus, sa fille vous fait face !
Il recouvra sa superbe :
— Je vois que l’insolence et la critique sont chez vous des vertus familiales. Votre père se porte-t-il bien depuis qu’il est emprisonné au milieu de ses sabotiers et de ses croquants ?
— Il préfère ses paysans aux horreurs de la guerre !
— Il est vrai qu’on ne l’a jamais vu briller au front. Ce noble a oublié son devoir de combattre pour le roi !
— Il a choisi de le servir en nourrissant ses sujets. Chez lui, ils mangent à leur faim et leur pain n’est pas noir. Chez lui, ils ne vivent pas dans des tanières. Chez lui, ils n’aiment pas le sang et ne pleurent pas un fils mort à la guerre, et c’est pourquoi ils sont heureux.
— Vous parlez comme ces Bonnets rouges qui se sont soulevés contre le roi. Votre ton et votre discours sentent le soufre. Le libertinage de Montbellay devient-il frondeur ? Méfiez-vous. En vous écoutant, on finirait par croire que ce comte pousse ses nu-pieds à se révolter contre le roi !
— Vos grands airs, vos hurlements, vos mouvements de bras ne m’épouvantent pas, monsieur le croquemitaine. Nous en avons de semblables dans nos champs et ils n’effraient que les corbeaux.
— La garce ! Elle recommence.
— Cessez vos insultes, monsieur, écoutez-moi plutôt. Mon père est aux côtés du roi et son soutien vaut bien mieux qu’un baroud.
— En quoi cet exilé aide-t-il le roi ? ricana Saint Val.
— Il se bat contre l’arrogance et l’idiotie. C’est pourquoi, monsieur, vous n’êtes pas bienvenu.
— Comment pouvez-vous !
Il s’avançait. On le retint.
— Alliez-vous me frapper comme vous le faites à la guerre ? Me tuer, peut-être, pour me corriger, monsieur le donneur de leçons ?
Il tenta d’échapper à la poigne de trois hommes forts qui s’efforçaient de le retenir.
— Comment pouvez-vous ? redit-il.
— Monsieur, je peux car je sais le mal qui est en vous et ce qu’il a déjà produit.
À ces mots, sa colère retomba. Il cherchait ce que je savais. Et moi, je me suis avancée pour me mesurer à lui :
— Je connais votre fils, François de Saint Val. Avant de vous voir à l’ouvrage, j’aurais pu douter de son histoire. Désormais, je comprends sa douleur. Vous êtes un être misérablement hanté par la méchanceté. Votre cœur ? Vous l’avez perdu en perçant celui de vos ennemis. Le pardon et l’affection ? Ces mots n’ont plus de sens pour vous. Dieu soit loué ! Votre fils en a pour deux. Il va bien, je vous remercie, et il préfère la vie plutôt que la mort. Quelles sont vos autres différences ? La tendresse et l’amour, oui, je le crois. Si bien qu’il est fort où vous êtes fragile. On l’adore et l’on vous déteste. On cherche sa compagnie quand on vous craint. Vous le croyez perdu et seul ? Il est entouré, choyé, apprécié. Qui voudrait faire la guerre à un homme comme lui ? Si bien que vous qui idolâtrez tant la victoire, je vous annonce que vous avez tout perdu. Un fils, tout d’abord, mais encore l’espoir d’être un jour apprécié par les hommes. Aussi, vous avez raison de porter au pinacle la colère, la peur et la violence. Sans elles, vous n’existeriez point. Une dernière chose. Votre fils possède la beauté, la sensibilité et le cœur. Et c’est un grand acteur ! Est-ce parce que vous ne saurez jamais le plaisir que l’on trouve dans ces « petits riens » humains que vous cherchez le vôtre dans le sang et la mort ?
Avant qu’il ne réponde, je rompis l’assaut. On s’effaça sur mon passage. On me laissa passer. Je sortis du Salon de Mercure. Mais où était mon marquis ?
— Hélène !
Louis de Mieszko, le marquis de Penhoët, m’attrapa la main.
— Où fuyez-vous ainsi ? me demanda-t-il.
— Je dois... partir. Au plus vite.
Ses yeux bleus-gris me regardaient tendrement :
— Malgré mes conseils, et votre promesse, vous n’avez pu vous empêcher de vous faire remarquer.
— Comment le savez-vous ?
— J’allais pour m’asseoir à une table de jeu. Soudain, on murmure dans mon dos qu’on se dispute dans le Salon de Mercure. Le redoutable Saint Val affronte une jeune femme et il ne peut s’en défaire. Un éclat à la cour, se réjouit-on. Pendant une Soirée
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