Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
Vom Netzwerk:
épée.

D EUXIÈME PARTIE
    Le château de cartes

VI. Le cœur de Paris
    SOUS DES DEHORS ARDUS MA DOUCEUR EST CACHÉE
    Jean-Baptiste Bonnefoix avait son idée et son plan, et l’âne le plus têtu n’aurait pu le faire dévier de sa route. Comme celle-ci passait par le sud, nous entrâmes dans Paris par la voie du Midi.
    Notre guide suivait depuis la veille l’aqueduc qui fournit l’eau à la ville en puisant dans les sources environnantes. Au temps de Lutèce, les thermes en réclamaient en abondance et le savoir des bâtisseurs romains avait fait des merveilles, comme en témoignaient les aperçus de l’aqueduc qui se montrait à nous, encore ce matin. À présent, racontait Jean-Baptiste, les choses avaient changé. Il y avait trop de monde. Paris manquait d’eau. Et je ne tarderais pas, prédisait-il, à me rendre compte de l’horrible vie de ses habitants.
    — Tout n’est que saleté ! Il faut surveiller ses pieds et le ciel en même temps, ce qui est un prodige qu’aucun homme ne peut accomplir.
    Nos montures avançaient au pas. Le vent faiblissait, l’air était doux. Midi allait venir. Nous étions dimanche, premier jour du mois de novembre de l’an 1682.
    — Pourquoi prendre tant de précautions quand on est à Paris ? lui demandai-je.
    — Le sol est jonché de débris. Et d’où viennent-ils ? Du ciel. Une simple fenêtre est un mauvais présage. À chaque instant, on jette dans la rue les pires horreurs, sans prendre soin du passant... Mais vous l’avez voulu, mademoiselle ! Et nous y serons bientôt. Profitez des derniers instants de calme. Au loin, sur la gauche, voyez-vous ce domaine altier bordé par une épaisse muraille ?
    Nous étions sur les hauteurs, à moins d’une lieue de Paris. Bonnefoix pointait du doigt un vaste ensemble de bâtisses d’où jaillissait la tour d’un clocher recouvert d’ardoises grises. C’était une abbaye isolée du monde qui se montrait à l’horizon et dont je sentais les premiers effets par l’apparition de nouveaux voyageurs. Plus nous approchions, plus ceux-ci augmentaient et se resserraient par groupes. Nombre d’entre eux marchaient d’un pas soutenu. Les uns portaient leur ballot sur le dos quand d’autres guidaient un bœuf attelé à un chariot chargé de richesses dont ils venaient faire le commerce. Ils surgissaient de chemins étroits, taillés entre des sillons glaireux, qui, plus tard, les ramèneraient chez eux. Ils se rangeaient contre le bord de la route et avançaient, tels des pèlerins, selon un ordre qui semblait calculé. Ils ressemblaient aux gens de Saint Albert, à ceux que j’aimais et dont je refoulais le doux souvenir jour après jour depuis notre départ tant ils me manquaient. Si mon cœur se serrait, ma nostalgie était sitôt troublée par de nouveaux événements. Un carrosse martelant le pavé surgissait au galop dans mon dos. Le cocher sifflait et faisait claquer son fouet pour que l’on dégage la voie. Six chevaux blancs et fougueux, tirant sur leur harnais et frappant le sol de leurs fers ardents, passaient comme la foudre. Parfois, j’apercevais le visage des passagers. Celui d’un duc ou d’une belle marquise ? Les armoiries peintes sur les portes ne me renseignaient en rien. J’ignorais l’essentiel de l’univers dans lequel je m’aventurais. Je n’étais qu’une jeune femme d’Anjou dont le titre et le nom ne pesaient plus rien à Versailles. J’étais la fille d’un comte exilé.
    Mon regard abandonna l’abbaye que désignait Jean-Baptiste et revint au nord. Face à moi, et malgré un voile de fumée grise qui refusait de se lever, il me sembla deviner les premiers contours de Paris. Ces murailles étaient-elles les vestiges de l’enceinte construite par Philippe Auguste, comme me l’avait appris, dans une autre vie, maître Blois ? Perçant ce ciel éteint, était-ce, enfin, la porte Saint-Jacques, cette frontière ultime entre la campagne et la ville, entre les champs endormis, dont je ne supportais plus la monotonie, et le bouillonnement formidable des six cent mille âmes de la capitale du monde ?
    Mon impatience grandit. Je réveillai Poussecul d’un coup de talon dans les flancs. À regret, l’alezan abandonna l’herbe encore grasse qui poussait le long du chemin et s’offrait à sa gourmandise.
    — Ayez pitié de mon dos meurtri, gémit un Bonnefoix rapidement distancé. Prenez le temps d’apprécier ce que je vous montre. Observez bien le couvent des Chartreux. C’est le

Weitere Kostenlose Bücher