Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)
exprimaient la plus vive tendresse. Des deux aspirants à l’hymen, elle montrait, sinon le plus de calme, au moins le plus d’unité de pensées et le moins de distraction ; car, tandis que les regards de Lionel erraient avec inquiétude dans les coins les plus reculés de l’église, comme s’il eût craint de voir sortir de l’obscurité quelque objet effrayant, ceux de Cécile étaient fixés sur le prêtre avec une douce et pieuse attention.
Agnès et Polwarth les accompagnaient seuls, et à peine étaient-ils tous placés, que la voix basse et imposante du ministre se fit entendre au milieu du calme de la chapelle.
La solennité de l’heure et la solitude presque effrayante de l’église avaient inspiré le docteur Liturgy. L’exhortation qui précède la bénédiction nuptiale fut prononcée avec une onction remarquable ; il faisait de longues et fréquentes pauses entre les membres de phrases qui la composaient ; mais, lorsqu’il en vint à ces mots :
– Si quelqu’un connaît quelque juste raison qui s’oppose à l’accomplissement de ce mariage, qu’il parle maintenant, ou qu’autrement il se taise à jamais !
Il éleva la voix et promena ses regards dans les parties les plus reculées de la chapelle, comme s’il se fût adressé à une multitude d’êtres cachés dans les ténèbres. Les assistants suivirent involontairement la direction de ses yeux, et un moment d’attente pénible, que le caractère imposant de cette scène pouvait seul expliquer, suivit le dernier son de sa voix, qui était allé mourir au sein des voûtes retentissantes.
Au moment où, rassurés par le silence, tous s’étaient retournés vers l’autel, une grande ombre s’éleva du milieu de la galerie supérieure, parut grandir jusqu’au plafond, et de là cet être gigantesque sembla, comme le génie du mal, planer au-dessus du jeune couple.
Le ministre suspendit la prière qu’il commençait, et Cécile saisit le bras de Lionel avec un mouvement convulsif, tandis qu’un frémissement involontaire l’agitait.
L’ombre se retira alors lentement, après avoir fait un grand geste avec le bras, qui se dessina le long de la voûte, et ensuite sur la muraille, jusqu’à l’endroit où étaient les jeunes époux.
– Si quelqu’un connaît quelque juste raison qui s’oppose à l’accomplissement de ce mariage, qu’il parle maintenant, ou qu’autrement il se taise à jamais ! répéta le prêtre à haute voix, comme s’il voulait interpeller tout l’univers.
L’ombre se leva de nouveau, et pour cette fois on put distinguer les proportions monstrueuses d’une figure humaine à laquelle il n’était pas difficile, dans un pareil moment, de croire trouver de l’expression et même de la vie. Ses traits fortement marqués portaient l’empreinte d’une émotion puissante, et ses lèvres semblaient s’ouvrir, comme si l’être aérien prononçait des paroles qui n’étaient point destinées pour des oreilles terrestres. Tout à coup il éleva ses deux bras au-dessus du couple étonné, joignit ses mains comme pour leur donner sa bénédiction, après quoi cette espèce de vision s’évanouit, et aucune forme ne se projeta plus sur la voûte blanche ni sur les murs de l’église.
Une troisième fois le ministre interdit répéta l’appel solennel, et aussitôt tous les regards, comme par une impulsion secrète, se portèrent sur l’endroit où s’étaient reproduits à deux reprises les contours d’une forme humaine ; mais l’ombre ne parut plus. Après avoir attendu en vain quelques minutes, le docteur Liturgy continua d’une voix qui semblait plus tremblante qu’à l’ordinaire ; mais aucun incident extraordinaire ne vint troubler le reste de la cérémonie.
Cécile prononça ses vœux avec une sainte émotion. Lionel, qui semblait s’attendre à quelque malheur étrange, s’efforça de paraître calme jusqu’à la fin du service. Ils furent unis, et lorsque la bénédiction fut prononcée, pas le plus léger bruit ne se fit entendre dans l’église, et personne n’avait le courage de parler. Ils s’éloignèrent tous en silence de l’autel, et se disposèrent à partir. Cécile, pâle et tremblante, se laissa envelopper dans sa pelisse par Lionel, sans paraître s’apercevoir de son attention, et au lieu de l’en remercier par un sourire, elle jeta un regard inquiet sur la voûte, avec une expression à laquelle il était impossible de se méprendre. Polwarth
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