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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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l’oreille avec une terreur secrète pour écouter si quelques sons ne sortaient pas de la chambre de la malade. Le bruit avait cessé en bas, et elle n’entendit aussi que le sifflement du vent qui semblait se jouer le long des cheminées et des angles de la maison.
    Encouragée par le silence solennel qui régnait dans la chambre de sa grand’mère, Cécile ouvrit alors la porte, dans la douce persuasion qu’elle allait être témoin de la résignation d’une chrétienne dans ce même lieu où elle avait entendu si récemment les imprécations du désespoir. Elle entra d’un pas timide, car elle craignait de rencontrer le regard creux mais perçant de l’inconnu qui avait apporté le billet du médecin, et dont l’extérieur et le langage étaient encore présents à sa pensée d’une manière vague, mais terrible. Cependant elle reconnut bientôt que son hésitation et ses craintes étaient sans fondement ; la chambre était vide. Après avoir jeté un coup d’œil autour d’elle, dans l’espoir d’y retrouver son cher Lionel, elle s’avança d’un pas léger vers le lit, et entr’ouvrant les rideaux, elle souleva la couverture, et découvrit à l’instant la fatale vérité.
    Les traits de Mrs Lechmere étaient déjà raides, et ils avaient pris cette expression livide et cadavéreuse qu’imprime la main de la mort. L’âme en partant avait laissé l’empreinte des souffrances sur la figure, et l’on y voyait encore les traces profondes de ces passions qui, même au moment de la mort, lui avaient fait porter ses regards en arrière sur ce monde qu’elle quittait pour toujours, au lieu de les diriger en avant sur cette existence inconnue vers laquelle elle était entraînée rapidement. Peut-être la violence même du coup qu’elle recevait, la manière brusque et subite dont il était porté, soutinrent-ils le courage de la pauvre Cécile dans ce moment d’épreuve. Elle ne dit rien, ne fit aucun mouvement pendant plus d’une minute ; mais elle resta les yeux fixés sur ces traits ravagés qui lui avaient été chers depuis l’enfance, avec une sorte de saint respect qui n’était pas exempt d’horreur. Alors se retracèrent à sa mémoire ces présages funestes qui avaient accompagné son mariage, et en même temps se présenta l’idée accablante que peut-être n’était-ce pas la plus terrible des infortunes qui lui étaient réservées.
    Cette nouvelle pensée l’agite et lui rend des forces ; elle referme aussitôt le rideau sur ce corps inanimé, et sort de l’appartement à pas précipités. La chambre de Lionel était sur le même étage que celle qu’elle venait de quitter. Avant qu’elle ait eu le temps de faire une seule réflexion, sa main est sur le loquet de la porte. Tant de circonstances accumulées ont troublé ses idées. Prête à franchir le seuil, elle cherche pourtant, à les rassembler ; une sorte de honte et de délicatesse s’oppose à ce qu’elle va faire ; mais la crainte l’emporte, d’affreux pressentiments la dévorent de nouveau, et elle s’est précipitée dans la chambre en appelant à grands cris celui qu’elle cherche.
    Quelques tisons, restes d’un feu presque éteint, avaient été rapprochés avec soin et jetaient une clarté faible et vacillante. La chambre semblait être remplie d’un air froid et perçant qui glaça Cécile dès qu’elle entra, et de grandes ombres se jouaient sur les murs, mobiles et tremblantes comme la lueur qui brillait encore dans le foyer. Mais l’appartement était vide comme celui de la défunte. S’apercevant que la porte du petit cabinet de toilette était ouverte, elle y courut, et alors l’air froid de la chambre, les vacillations du feu se trouvèrent expliqués : la porte de la rue au bas de l’escalier était tout ouverte, et le vent montait en sifflant jusqu’à l’étage supérieur.
    Si Cécile avait voulu expliquer les sentiments qui la portèrent à descendre et la manière dont elle le fit, il lui eût été impossible d’y réussir ; car, plus prompte que la pensée, elle était sur le seuil de la porte avant d’avoir pu songer à sa position.
    La lune continuait à se montrer à travers les nuages, jetant à peine assez de clarté pour laisser apercevoir le calme qui régnait dans le camp et dans la ville. Le vent d’est soufflait encore au travers des rues, soulevant des tourbillons de neige, et balayant toutes les places publiques. Mais on n’apercevait nulle part aucune

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