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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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samedi soir. Il a quitté les Américains sans avoir dîné.
    – Et il s’en est dédommagé en mangeant nos provisions. Est-ce là votre honnêteté, drôle ?
    – Ralph était si pressé qu’il n’a pas voulu prendre le temps de manger. Ralph est un grand guerrier, mais il a l’air de ne pas savoir combien il est doux de manger quand on a faim.
    – Glouton, gourmand, ventre d’autruche, n’est-ce pas assez de m’avoir volé mes provisions, faut-il encore que vous m’en fassiez mieux sentir la perte en appuyant sur le plaisir que vous avez eu à les dévorer ?
    – Si vous soupçonnez réellement mon fils d’avoir manqué à ce qu’il devait à ceux qui l’emploient, dit Abigaïl, vous ne connaissez ni son caractère ni ses principes ; je vous garantis, et je le dis dans toute l’amertume de mon cœur, qu’aucune nourriture ne lui est entrée dans la bouche depuis hier soir : n’entendez-vous pas les gémissements que lui arrache la faim ? Dieu, qui connaît les cœurs, sait que je vous dis la vérité.
    – Que dites-vous, femme ? s’écria Polwarth en la regardant avec horreur ; il n’a rien mangé depuis vingt-quatre heures ! Mère dénaturée ! pourquoi n’avez-vous pas pourvu à ses besoins ? pourquoi n’a-t-il pas partagé tous les repas que vous avez faits depuis ce temps ?
    Abigaïl jeta sur lui un regard qui peignait le besoin et le désespoir.
    – Croyez-vous que je verrais volontairement le fils de mes entrailles périr d’inanition ? Le dernier morceau de pain que je lui ai donné hier quand il est arrivé, était tout ce qui me restait, et je le tenais de quelqu’un qui m’aurait rendu plus de justice en m’envoyant du poison.
    – La vieille Nab ne sait pas que Job a trouvé un os à la porte des casernes, dit l’idiot d’une voix faible ; je doute que le roi sache combien un os est bon à ronger.
    – Mais les provisions ! les provisions ! s’écria Polwarth étouffant d’impatience ; qu’avez-vous fait des provisions, jeune insensé ?
    – Job les a cachées sous le tas de vieilles cordes, dit l’idiot en se soulevant pour montrer du doigt, à travers la porte qui était restée ouverte, l’endroit dont il parlait ; quand le major Lincoln sera de retour, peut-être donnera-t-il les os à ronger à Job et à la vieille Nab.
    – Sous le tas de vieilles cordes ! s’écria le capitaine ; morbleu ! quels risques elles ont couru ! Et se levant précipitamment, il entra dans le grand appartement, dispersa les cordes dans toute la chambre avec une violence qui ressemblait presque à de la folie, et, d’une main tremblante, tira enfin de leur cachette le jambon et le dindon. Pendant cette courte opération, il haletait plutôt qu’il ne respirait ; tous les traits de son visage étaient agités par une émotion extraordinaire, et il murmurait de temps en temps à demi-voix : – Vingt-quatre heures sans manger ! mourant d’inanition ! et quelques autres exclamations aussi expressives qui exprimaient le cours de ses pensées. Quand il tint le jambon d’une main et le dindon de l’autre, il s’écria d’une voix terrible :
    – Shearflint ! drôle ! Shearflint ! où êtes-vous caché ?
    Shearflint savait par expérience qu’il était dangereux de ne pas répondre sur-le-champ à un appel fait sur un pareil ton, et quittant une escabelle sur laquelle il s’était assis au fond du grand magasin, il sortit des ténèbres qui l’enveloppaient, et se présenta devant son maître.
    – Rallume le feu, prince des fainéants, lui dit Polwarth avec la même véhémence ; voici de la nourriture, et la faim est là-bas ; Dieu soit loué de ce qu’il m’est permis de leur faire faire connaissance ensemble. Jette une brassée de ces cordes dans la cheminée ; du feu ! vite, grand feu !
    Ces ordres furent exécutés avec autant de rapidité qu’ils étaient donnés : car Shearflint, qui connaissait le caractère de son maître, voyait à ses gestes d’impatience qu’il voulait être promptement obéi. Il empila donc dans la cheminée un amas de vieilles cordes enduites de goudron, et en ayant approché la chandelle, il en jaillit à l’instant une flamme brillante qui attira les regards étonnés de la mère et du fils.
    Pendant ce temps, Polwarth, assis sur un banc devant une mauvaise table, tira un couteau pliant de sa poche, et se mit à couper des tranches du jambon avec une vivacité qui faisait honneur à son

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