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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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d’embarras annonçaient comme étant du nombre de ces colons dont la confiance dans le pouvoir irrésistible de la couronne d’Angleterre commençait déjà à chanceler. Howe occupait sa place ordinaire au haut bout de la table, et ses traits bruns exprimaient toute la cordialité d’un soldat, tandis qu’il désignait à ses convives tel ou tel flacon parmi le nombre de ceux qui contenaient les meilleurs vins de l’Europe.
    – Quoique assis à la table d’un général anglais, vous avez fait mauvaise chère aujourd’hui, Messieurs, dit-il ; mais après tout, il ne vous a manqué que ce qui fait l’aliment le plus nourrissant du soldat anglais au service de son maître. Remplissez vos verres, Messieurs, nous oublions notre loyauté.
    Tous les verres furent remplis au même instant, et après une courte pause, le général prononça d’une voix lente et solennelle les mots magiques : – La santé du roi ! Tous les convives lui firent écho, et, après un instant de silence nécessaire, un vieillard portant l’uniforme de la marine leva en l’air son verre renversé pour prouver qu’il l’avait loyalement vidé jusqu’à la dernière goutte, et s’écria :
    – Que Dieu le bénisse !
    – Oui, que Dieu le bénisse ! répéta le chef dont le nom a déjà été cité plusieurs fois dans les pages qui précèdent ; qu’il lui accorde un règne long et glorieux, et, s’il est permis de faire ce souhait, une mort heureuse ! Puisse-t-il avoir un sépulcre comme le vôtre, digne amiral ! Sepulchrum sine sordibus extrue .
    – Comme le mien ! répliqua le brusque marin, dont l’érudition avait un peu perdu par de longs services ; il est vrai que je ne suis pas de vos gentilshommes de marine qui ne savent que regarder par la fenêtre de la cabane d’un navire, mais je crois que ce ne serait pas une dégradation pour Sa Majesté, si elle daignait favoriser de sa gracieuse présence un serviteur comme moi.
    – Pardon, Monsieur ; j’aurais dû faire la citation tout entière, et y joindre les mots permissum arbitrio .
    L’équivoque {63} avait à peine excité un sourire, quand l’air sérieux du commandant en chef annonça que le sujet n’admettait pas la plaisanterie. Le marin de son côté ne parut pas aimer la langue inconnue qu’on avait employée en lui parlant ; car aussi offensé, et peut-être même un peu plus, de la liberté qu’on avait prise de faire un jeu de mots sur son nom, que du ton un peu léger dont on venait de parler de la personne privilégiée du souverain, il répliqua avec un air d’aigreur.
    – Permis ou non permis, je commande la flotte de Sa Majesté dans ces parages, et ce sera un jour marqué comme heureux sur le journal de mon navire, que celui où vous autres, messieurs de l’armée de terre, vous nous enverrez nous acquitter de nos devoirs en pleine mer. Un marin se fatigue à rien faire, comme un soldat d’être occupé. J’aime à avoir partout place pour mes coudes ; sur mon bord, à table, même dans mon cercueil. Ha ! ha ! ha ! Qu’en pensez-vous, Monsieur le bel esprit ? Ah ! ah ! ah ! Qu’avez-vous à dire à cela ?
    – Parfaitement, mon cher amiral ! un peu sévère et piquant ; mais je l’ai mérité, répondit Burgoyne avec beaucoup de sang-froid, en souriant et en buvant son vin à petits traits. Mais, puisque vous trouvez le repos et le loisir si fatigants, tâchez donc de capturer quelques uns de ces impudents corsaires yankies qui osent se montrer si souvent en vue du port, qui interceptent nos convois, et dont la présence choque tous les yeux loyaux.
    – J’ordonne qu’on batte un pourparler, dit le général en chef, et qu’il y ait trêve à toutes hostilités. Quand tous ont fait leur devoir, et s’en sont si bien acquittés, l’esprit même doit respecter leur conduite. Monsieur Graves, je vous conseille de sonder le contenu de cette bouteille couverte de sable ; je crois que vous y trouverez un bon ancrage pour ce soir.
    Le vieux marin noya sur-le-champ son mécontentement dans un verre de vin qu’il se versa de la bouteille indiquée. Un léger bruit qu’il fit avec les lèvres, après l’avoir bu, prouva qu’il en était satisfait, et il en donna sur-le-champ encore une meilleure preuve en s’en versant un second.
    – Vous êtes trop stationnaires de moitié, vous autres, s’écria-t-il ensuite, pour donner de l’âme à votre vin. Le vin ne doit jamais rester sur son lest avant

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