Liquidez Paris !
de feutre trottent vers le Stabszahlmeister Rabe. Le sergent-major, en nage, s’excuse du vol général et organisé. Il produit de grandes listes de chiffres et le rougeaud déteste les chiffres.
– Pour pallier ces vols, explique le sergent-major dont la sueur perle à grosses gouttes, les hommes reçoivent de temps en temps des rations supplémentaires de pain. Une ration de ce genre a été distribuée il y a trois jours.
Il regarde Porta en se promettant que le soldat en prendra pour son grade !
– Est-ce vrai ? aboie le rougeaud en regardant tout le monde et personne.
– Vrai ! grommelle le Hauptfeldwebel Hoffmann qui reçoit un clin d’œil reconnaissant du sergent-major.
Ce soir, les secrétaires recevront une ration supplémentaire de pain et d’autres choses également, mais l’Obergefreiter Porta et ses camarades n’en auront rien.
– Plainte refusée, tonne le rougeaud.
– Monsieur le Kriminalrat, continue obstinément Porta, passons sur le pain.
Il envoie au sergent-major un regard affectueux.
– Je signale que depuis deux ans, je ne reçois plus l’argent des souliers. Je me suis plaint plusieurs fois en personne et la dernière fois, on m’a renvoyé avec des menaces.
– Les soldats du Führer doivent-ils être traités de cette façon-là ? Tous ceux qui se procurent eux-mêmes leurs godillots ont droit à l’argent des souliers. – Il exhibe un des siens à fin d’inspection. – Ceux-ci m’appartiennent. Rien n’est du ressort des fournitures de l’armée.
Le rougeaud fixa les bottes de Porta. Jamais il n’avait vu ça ! Elles n’avaient certainement pas été faites dans le III Reich, Hoffmann sourit avec importance. Cette fois Porta ne s’en sortira pas, il a fourré sa tête dans le -nœud coulant. L’argent des chaussures ! Qui a jamais entendu parler de l’argent des chaussures ?
– Où avez-vous vu que vous aviez droit à cet argent ?
Porta qui ressemble à un cheval joyeux s’ébouriffe et sort de sa poche un autre règlement.
– Je signale humblement. Voici : feuille de service de l’armée 12 365/IV paragraphe de la huitième ligne. « Tout soldat, sous-officier et officier qui s’entretient lui-même en chaussures doit recevoir douze pfennigs par jour qui lui sont octroyés à condition qu’il paie l’entretien de ses chaussures au régiment pour raison d’ordre. » – Le rouquin sourit aimablement. – Cette note de service est signée du général payeur en chef de la section des uniformes de l’armée.
Les gens de la Gestapo écument. Que le diable emporte cet Obergefreiter ! On arrive avec une indiscutable affaire de café et on est fourré dans cette merdouille ! Comment arrêter ça ? Les yeux deviennent des torches.
– Depuis combien de temps vous fournissez-vous en chaussures, Obergefreiter ?
– Longtemps, répond Porta épanoui. Très longtemps. On me doit déjà dix-sept Reichsmarks et vingt-quatre pfennigs. – D regarda la pendule. – Et dans une heure ce seront douze pfennigs de plus dont la compagnie devra me créditer.
– C’est bien ce que j’ai entendu de plus raide ! hurle Hoffmann qui se maîtrise avec peine. C’est du ressort d’un conseil de guerre ; je me demande ce que le commandant du Grand Paris en penserait ?
– Tout à fait d’accord avec le Hauptfeldwebel, répond Porta en hochant ta tête en signe d’assentiment, malheureusement cette affaire n’est pas du ressort de n’importe quel tribunal militaire. Elle ressortit à celui du Reich, à Berlin.
– Porta ! rugit Hoffmann. Obergefreiter Porta ! Je vous ordonne de la boucler avant que je ne fasse quelque chose que nous regretterons tous. Ma patience est à bout ! Et c’est l’armée qui parle, non plus la Gestapo !
Le rougeaud boit de l’eau. Quelle anarchie. Une Apocalypse. Le III e Reich se prépare un dur destin lorsqu’on voit des choses aussi impensables ! L’armée qui parle ! Des riens du tout de ce genre ! II boit un nouveau verre d’eau.
– Doit pisser à mort, chuchote Petit-Frère.
Hoffmann s’arrête un instant pour respirer et Porta imperturbable reprend :
– Selon le S. D. V., Herr Hauptfeldwebel, il est expressément interdit à un supérieur de menacer son inférieur pendant qu’il exprime ses doléances. Si plus tard, à la lumière des investigations, on voit qu’il s’agit d’un mensonge, le plaignant est renvoyé devant un tribunal de guerre. Règlement page
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