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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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lourdement
d’or et de saphirs. La maigreur de ses doigts accentuait la pesanteur des
pierres. Elle la laissa retomber.
    — Hapouseneb, tu m’as dit qu’après ce
procès, tu voulais démissionner. Pourquoi ?
    — Majesté ! Croyez-vous que je
désire être jeté hors des murs du temple comme un malpropre, un voleur, un
incapable ?
    — N’est-ce pas plutôt l’absence de Méryet
qui te pèse ?
    — À ses côtés, j’aurais peut-être
combattu.
    Douloureux, il se tourna vers Neb-Amon.
    — Comment va-t-elle ?
    — Bien nourrie au harem, elle a bravé les
ravages de l’épidémie. Séchât l’appelle Méryet. Cela te convient-il ?
    Il regarda le médecin d’un air las.
    — Je crois que c’était mon intention. Je
la reprendrai après le procès.
    — Où est ta femme, Amenhotep ?
questionna Hatchepsout.
    — Elle est retournée sur ses terres.
Depuis la mort de son père dont elle a hérité de toutes les richesses, elle n’est
guère dans le besoin.
    — Que vas-tu faire puisque tu la
soupçonnes ?
    — Si ma femme est coupable, je vais demander
le divorce et la justice la condamnera.
    — Si elle ne l’est pas ? fit
Neb-Amon.
    — Je reprendrai peut-être la vie commune
et nous élèverons l’enfant ensemble.

 
CHAPITRE IX
    Le mariage de Thoutmosis et de Mérytrê, fille
de la pharaonne Hatchepsout, fut célébré un matin où l’espoir du peuple
renaissait.
    À présent, les ravages de l’épidémie étaient
maîtrisés, partis vers d’autres lieux, d’autres terres, et si la mortalité
avait laissé une sinistre et ineffaçable trace dans chaque famille – rares
étaient celles qui n’avaient pas été touchées – on se tournait toutefois
vers un avenir plus serein.
    Des navires chargés d’or étaient partis aux
portes de la Canée, de Byblos, de Damas et jusqu’au confluent de l’Euphrate
pour rapporter du blé et des céréales.
    Mais, en ce retour de crise, les dépenses relatives
aux festivités qui s’annonçaient ne pouvaient atteindre celles du mariage d’Hatchepsout,
car si l’épidémie était définitivement enrayée, la famine sévissait encore dans
les villes et les provinces proches de Thèbes. Plus particulièrement encore
dans les campagnes où les paysans rescapés ne disposaient pas plus qu’avant de
provisions pour parer l’éventualité de ces désastres.
    Mais, en ces lendemains redevenus tranquilles,
chacun attendait avec espoir que la tardive crue du Nil apporterait une
conclusion bénéfique et fermerait pour un temps ces malheurs.
    Les dons et les offrandes au dieu Hapy, souverain
tout-puissant du fleuve, ne furent pourtant guère abondants, car le pays
manquait non seulement de toutes ses richesses, mais de l’essentiel qui faisait
vivre son peuple : céréales, porcs, volailles, chèvres, jusqu’aux poissons
dont les pauvres se nourrissaient.
    Même au temple, la célébration du mariage fut
terne. Les processions rituelles s’étaient déroulées, certes, sous les ovations
d’une maigre foule, car la population décimée aux trois quarts ne permettait
plus les grands délires d’autrefois. Même l’enthousiasme des notables de
province et des hauts dignitaires paraissait assez fade.
    Hapouseneb, lui-même, ne remplissait pas ses
fonctions avec la foi et la conscience qu’il avait toujours apportées au
déroulement de ces manifestations religieuses. Avec la disparition de Méryet,
toutes ses croyances s’étaient évaporées comme un grand ciel qui, à la fin du
khamsin, se dégage de nuages obscurs.
    Les prêtres avaient rempli leurs tâches habituelles,
balançant leurs encensoirs d’or dans des nuages opaques de fumées aux odeurs de
myrrhe et psalmodiant leurs incantations avec des voix caverneuses.
    Enveloppés de leurs longues tuniques jaunes,
le crâne impeccablement rasé, tenant la grande harpe contre leurs corps
anguleux, les chanteurs aveugles avaient entonné leurs plus belles hymnes en l’honneur
des dieux réunis au temple pour célébrer le nouveau couple royal.
    Mais il manquait l’essentiel. L’image irremplaçable
de la danseuse sacrée. Méryet !
    Méryet qui avait su imposer au temple un style
si particulier dans l’accomplissement de ses gestes improvisés qui sortaient
non pas des traditions ancestrales, mais d’un amour immense qu’elle offrait aux
dieux à qui elle voulait plaire.
    L’absence de Méryet marquait d’une empreinte
meurtrière les manifestations religieuses du temple. Le

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