L'Ombre du Prince
autoritaire, réclama les attributs qui, aux yeux de son
peuple, faisaient d’elle le Pharaon des deux Égyptes.
Le rituel se passa sans heurt. Les serviteurs
apportèrent la crosse d’or, le sceptre et le fouet. Puis, la double couronne
fut posée sur sa tête. Enfin, la barbe taillée en pointe fut accrochée à son
menton.
Sans doute pour se donner du courage, l’adolescent
se tourna vers Nekmin qui, intentionnellement, s’était placé sur sa droite
tandis qu’à la gauche d’Hatchepsout siégeait le fidèle Senenmout.
Parée de ses attributs, Hatchepsout attendit.
Un silence pesant entourait l’atmosphère. À sa gauche, Pouyemrê, Hapouseneb,
Néhésy se taisaient. Soudain, le vieil Antef, le plus violent de ses
adversaires se leva.
— C’est une attention fort généreuse,
Majesté, que d’avoir fait don à votre neveu d’un bijou si célèbre.
Ses yeux ridés et à demi fermés se perdaient
dans les plis qui sillonnaient abondamment son front dégarni.
Hatchepsout ne pouvait plus ignorer la question.
Elle résolut de rester calme, mais elle sentit ses doigts se crisper de colère
sur la crosse d’or qu’elle tenait fermement.
— De quel bijou parles-tu, Antef ?
Thoutmosis se tourna vers elle.
— Hélas, je n’ai pas eu le temps de vous
remercier, ma tante. Et cette assemblée n’est ni le lieu ni l’instant pour le
faire. Je me réserve donc quelques instants, après cette séance, pour le faire.
Pouyemrê semblait embarrassé et Néhésy perdait
de son assurance. Quant à Senenmout, il rougissait, mais son regard n’avait pas
perdu son acuité ni son insolence qu’il dirigeait vers Thoutmosis.
— Qui t’a donné ce collier ?
Thoutmosis parut surpris.
— Mais… fit-il.
Puis, se tournant vers Antef, il l’interrogea
du regard, réclamant l’explication qu’il ne pouvait fournir. Mais, Hatchepsout
se leva et plongea son regard dans les petits yeux ridés du vieil homme.
— Tu sais fort bien que ce n’est pas moi.
Qui s’est emparé de ce collier ?
— Majesté ! répliqua Antef, c’est
vous qui avez donné l’ordre de reprendre le pectoral de feu Thoutmosis II pour
le remettre à son fils.
— Antef ! s’emporta la reine. Tu
sembles ne pas comprendre ce que je te demande. Qui ta dit que je réclamais ce
bijou pour mon neveu ?
Un sourire ambigu au coin de ses vieilles
lèvres décharnées et tombantes, Antef murmura :
— Mais, c’est Hapouseneb, le Grand Prêtre
d’Amon. Ne lui avez-vous pas donné procuration de certains biens du temple,
lors de votre départ pour l’expédition au Pays du Pount ? N’est-il pas
resté le seul gardien de Karnak et des temples ?
Il se tourna vers ses alliés, mais personne ne
vint à son aide. Hatchepsout sentit le sang bouillonner dans ses veines.
Hapouseneb se leva, blanc de rage qu’il essayait pourtant de contenir pour
amoindrir l’incident.
— C’est faux, et tu le sais !
jeta-t-il à la face d’Antef.
— Peut-être as-tu mal interprété les
paroles de ta reine. Dans ce cas, Majesté, replaçons ce collier là où il était
et ne faisons pas de cette affaire un incident majeur.
Visiblement, Antef paraissait déçu que ni Nekmin
ni Menkeper n’interviennent en sa faveur.
— Senenmout est pourtant venu au temple,
le dernier jour du mois de chemou, révéla Antef qui préféra jeter de suite sa
dernière arme, la plus dangereuse peut-être. C’était pour y voir Hapouseneb.
D’un mouvement sec, Senenmout se leva en
brandissant le poing vers lui.
— Tu m’espionnes ? fit-il.
— Non, je m’explique.
— Que veux-tu insinuer ? reprit
Senenmout, un mauvais sourire aux lèvres.
— Simplement que tu as vu Hapouseneb le
dernier jour du mois de chemou et que cela s’est passé dans le temple d’Hathor.
De blanc, le visage d’Hapouseneb était devenu
verdâtre et celui de Senenmout cramoisi. Hatchepsout porta son regard effaré
sur l’un et l’autre. Ce fut le Grand Prêtre qui parla le premier.
— C’est vrai, Majesté, Senenmout est venu
me voir au temple, le dernier jour du mois de chemou. Mais, il n’a pas été
question du pectoral déposé en offrande à la déesse Hathor.
Hatchepsout se tourna lentement vers son
favori.
— Veux-tu m’expliquer ? jeta-t-elle
d’une voix sans timbre.
— Je lui ai demandé conseil pour
construire un monument funéraire. C’est tout.
— Un monument funéraire. Lequel ?
Senenmout hésita. Il fallait parler, sinon
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