L'Ombre du Prince
princesses syriennes destinées à devenir
les concubines de Thoutmosis.
Quand Séchât vit sa fille, elle distingua la
silhouette de Cachou et s’étonna que ce ne soit pas Maâthor qui accompagne ce
jour-là Satiah à l’école. Mais, elle ne s’attarda pas plus qu’il ne fallait sur
ce petit incident et jeta d’une voix claire et haute :
— Avez-vous tous salué le dieu Thot ?
Un « oui » général se fit entendre.
Deux voix manquaient pourtant à cet ensemble phonique si bien lancé. Celle de
Mérytrê qui arrivait toujours avec un retard considérable. Mais, comment la
fille d’Hatchepsout aurait-elle pu être à l’heure alors qu’elle ne s’intéressait
ni aux chiffres ni aux lettres que Séchât tentait de lui mettre en tête ?
La seconde, celle de Méryet, lui parut plus
inquiétante. La jeune fille qui, cette année-là, terminait sa scolarité,
arrivait toujours avant les autres, ce qui permettait à Séchât de discuter
quelques instants avec sa protégée avant les cours. Aussi, cette absence l’étonna.
À peine s’apprêtait-elle à saisir les
tablettes de grès qu’elle distribuait à ses élèves pour le premier devoir qu’un
bruit de voix lui fit tourner la tête. Mérytrê arrivait en litière et sa
nourrice avait l’ordre d’attendre à l’intérieur de la classe jusqu’à la fin des
cours.
Mérytrê entra. C’était une adolescente un peu
maigre, au visage long et triangulaire que, seul, un regard ardent animait de
quelque intérêt.
Quand la fillette observait intensément Séchât
et que celle-ci prenait le temps de l’étudier, elle voyait en elle les
attitudes et les gestes de la pharaonne. Mais, Mérytrê n’était hélas qu’un pâle
reflet du physique et du tempérament de sa mère.
Elle ne s’intéressait à rien à l’exception de
ses petits problèmes quotidiens, ses promenades et ses loisirs de princesse
gâtée où, seuls, comptent les ordres donnés aux servantes et à l’important
personnel du palais.
— Mérytrê, dit Séchât en regardant la
fillette se diriger vers sa place, tu n’as pas sanctifié ton dieu. Thot est en
colère.
Imperturbable, l’adolescente s’approcha de la
statue d’albâtre dont la tête était celle d’un ibis à l’œil pointu qui
regardait les élèves. Elle se courba et récita les paroles sacrées, puis tout
aussi tranquillement reprit sa place parmi les autres.
Quand le silence fut installé, Séchât inspecta
le visage de ses élèves. Dieu ! Il lui semblait entendre le vieux
Parenefer qui lui dictait ses ordres. Il lui semblait aussi se revoir, là, aux
côtés de son compagnon d’enfance, le gentil Menkh quelle avait épousé et qui,
en ultime souvenir, avait laissé la graine de Satiah plantée dans son ventre
avant de se faire tuer sur le champ de bataille du Mitanni.
Vingt-cinq ans plus tard, elle retrouvait
cette école.
De son temps, les filles côtoyaient les
garçons. À présent, les deux sexes préféraient se séparer, n’échangeant entre
eux que de furtifs regards.
Après avoir distribué les tablettes de grès
aux élèves, elle saisit un paquet de papyrus déroulé.
— Je vais vous rendre vos devoirs de
géométrie. Amennheb, tu t’es lourdement trompé dans le calcul de tes angles. Il
te faut revoir tout cela.
Elle tendit au garçon le devoir et se tourna
vers Amtou.
— Quant à toi, tu ignores encore ce qu’est
une bissectrice et tu confonds toujours un angle aigu et un angle obtus. Tu
resteras avec moi après le cours et nous reprendrons tout ceci depuis la base.
Puis, se dirigeant vers Thoutmosis, elle
teinta d’une réserve relative l’éloge qu’elle lui fit.
— Tu t’y prends bien pour dessiner tes
angles, mais le croquis de ton temple est démesuré et tes calculs ne correspondent
pas à tes ambitions. Si tu fais le plan d’une grande construction, alors,
calcule de grands angles. Les mathématiques, Thoutmosis, sont une science
rigoureuse et précise. La plus petite erreur peut faire crouler un pylône comme
elle a fait crouler des pyramides au temps des anciens pharaons.
Elle se tourna vers les petits. Ses yeux s’attardèrent
un instant sur Djéhouty qui avait attaché la laisse de son singe à son pied.
Puis, elle interrogea son voisin, un enfant au visage bruni par le soleil qu’éclairaient
deux grands yeux bleus. C’était un des fils du Sous-Vizir de Thèbes.
— Allons, Seneb, réponds à ma question.
Un cultivateur qui a un champ de 50
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