L'Ombre du Prince
récalcitrant
vis-à-vis.
— Tiens, dit-il en lui tendant une petite
fiole d’extrait d’aubépine, d’ail et de genièvre. Tu en prendras dix gouttes
matin et soir durant un mois. Ton hypertension disparaîtra. Et si elle persiste,
viens me voir lorsque je serai de retour à l’hôpital.
Il reposa la trousse là où il venait de la
prendre et poursuivit :
— Ne plaisante pas avec ton mal. Cela
pourrait te laisser paralysé des membres. Allons, je te laisse et vais me plier
à tes ordres. Je partirai demain à l’aube.
— Attends ! fit le policier. Ces
gouttes sont-elles un remède efficace ?
— Ce sont celles que je donne pour tous
les cas d’hypertension. Allons, dans un mois, si je suis de retour, viens me
voir à l’hôpital.
Il hocha la tête et ajouta :
— Bien qu’à force de retarder mon départ,
j’ignore quand je serai de retour. Mais, rassure-toi ton mal pourra peut-être
attendre.
— As-tu tant de retard ?
— J’ai dû embaumer la Seconde Épouse Moutnéfer.
J’ai dû soigner des urgences alors que je devais partir, et maintenant tu m’arrêtes.
— Bon ! fit-il en tendant l’index
vers la droite. Prends cette direction et suis-la jusqu’à la route du Nord. Au
carrefour du chemin de Coptos, bifurque toujours sur la droite et repars en sens
inverse. Là, il n’y a aucun barrage de police. Tu retrouveras la route du sud
sans difficultés.
Avant que le policier ne se rétracte, Nedjar
avait déjà fait claquer son fouet.
— Merci, policier. Viens me voir quand je
serai de retour, je te soignerai gratuitement.
Il s’agrippa au char.
— Allons Nedjar ! File.
Il ne fallut guère de temps au conducteur pour
se retrouver sur la route de Coptos. En effet, aucun barrage de policiers ne l’obstruait.
L’attelage fit demi-tour et emprunta de suite la voie du Sud.
Les petits chevaux d’Asie filaient bon train.
Le sable était sec, aride, et les pierres du désert, habituellement découvertes
par le khamsin, n’avaient pas été recouvertes tant la sécheresse empêchait
toute restructure normale des choses.
Des monticules de cailloux s’amoncelaient,
mais les chevaux persistaient dans une allure effrénée ce qui provoqua soudain
le choc brutal d’un essieu contre la rigidité de la pierre.
Le char pivota sur la gauche, faillit se renverser,
mais l’adresse de Nedjar le rééquilibra en un temps record. Les chevaux se
redressèrent et l’attelage s’arrêta dans un soubresaut qui laissa les deux
hommes inquiets et suspicieux.
Leur embarras s’accentua lorsqu’ils virent que
le choc avait entraîné la cassure d’un essieu et il fallut s’arrêter pour en
réparer l’extrémité qui s’était détachée du moyeu de la roue.
L’air était étouffant et ne laissait
transpercer nulle ombre rafraîchissante, nulle atmosphère de bien-être. La
force du soleil devenait telle que tout brûlait au fur et à mesure qu’il
dardait ses rayons meurtriers sur le sol.
Pas une seule herbe n’avait été épargnée, pas
un seul oued n’offrait ses palmiers sereins et verts. Et pire, les quelques
puits que l’on rencontrait sur le passage avant Edfou ou Kom Ombo étaient à
sec.
— Nos outres sont pleines, Nedjar, mais
il ne faudrait pas s’attarder sur ce chemin de mort. Quelques jours dans ce
désert diabolique et nous ne seront plus frais. Crois-tu pouvoir réparer cet
essieu rapidement ?
Nedjar avait saisi les deux bouts de la barre
transversale qui s’encastrait dans la roue et tentait d’en attacher les
extrémités. Mais, il dut se rendre rapidement à l’évidence, jamais il n’arriverait
à les raccorder. Il y enroula un cordage et, tant bien que mal, réussit à les
faire tenir.
— Il faut freiner l’allure, dit-il. La
vitesse va entraîner une nouvelle fracture.
— Et bien, fit Neb-Amon que sa profession
de médecin avait appris depuis longtemps à rester calme en toute circonstance,
il vaut mieux filer doucement que pas du tout. Allons, Nedjar, ne perdons plus
de temps si, désormais, notre allure est celle d’un char à bœufs.
Ils avancèrent lentement jusqu’au soir. Puis,
l’essieu craqua de nouveau. Le frottement du cordage contre la roue l’avait
rongé et le câble avait cédé.
La nuit qui tombait dense et noire ne permettait
pas une rapide réparation et la torche allumée que Neb-Amon tenait au-dessus de
Nedjar était insuffisante pour discerner le travail qu’il fallait à nouveau
effectuer.
En désespoir
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