L'Ombre du Prince
de cause, les deux hommes décidèrent
d’attendre le petit jour et s’allongèrent sur le sable pour prendre un repos
imprévu et qui retardait considérablement leur voyage.
Un lit de cailloux grossiers accueillit leur
nuque et, la gourde au bord des lèvres, ils étanchèrent une soif qui commençait
à brûler leur gosier.
Coptos était encore loin. Et Bouhen ! À
cette allure, ils n’auraient plus d’eau avant d’avoir atteint Kom Ombo. La
chaleur restait étouffante, même en cette soirée qui aurait pu leur apporter
quelque réconfort de fraîcheur.
Des insectes frôlaient leurs corps. Certes, Neb-Amon
ne craignait ni les morsures de scorpion, ni celles des vipères à cornes qui se
glissaient habiles et silencieuses dans le désert. Le médecin avait tout ce qu’il
fallait dans sa sacoche médicale pour en atténuer les effets mortels.
Neb-Amon et son compagnon craignaient surtout
ce terrible manque d’eau qui ôtait la vie des voyageurs imprudents et, pour
leur part, les outres en peau de chèvre qu’ils avaient emmenées se vidaient à
vue d’œil.
Le médecin but une gorgée. Puis, de la main,
il chassa un insecte qui voletait au-dessus de lui. À présent, Neb-Amon et
Nedjar maugréaient après ces maudites bestioles qui s’acharnaient sur leur
malchance. Aux lourdes mouches, qu’ils écartaient d’un geste vif et dont ils
reconnaissaient le bourdonnement, se mêlait un autre insecte plus léger qui
sautait autour d’eux et dont ils ne pouvaient apercevoir la forme.
Enfin, Nedjar réussit à s’endormir. Il se mit
sur le ventre, une joue appuyée sur le bord d’une pierre ronde, les bras
largement étendus et le ronflement au bord de sa bouche ouverte.
Le médecin commençait à s’inquiéter, d’autant
plus que le sommeil n’arrivait pas à lui faire oublier l’incident qui risquait
de tourner mal si l’essieu n’était pas vite réparé. Pourtant, le jour arriva
avec la chaleur excessive et, déjà, la gorge des deux hommes était trop sèche
pour qu’ils puissent pleinement maîtriser la situation.
Neb-Amon frotta ses yeux douloureux. La
sécheresse n’attaquait pas que sa gorge. Ses yeux le piquaient désagréablement.
Il se passa un peu de collyre à base de chanvre qui atténua la brûlure et
réveilla Nedjar qui dormait encore.
Dans la nuit, celui-ci avait vidé sa gourde.
— Par tous les dieux de Seth, jura-t-il,
c’est une sauterelle !
Il leva la tête et suivit le bond de l’insecte
qui, après s’être posé sur son bras, repartit vers une pierre plate sur
laquelle il ne resta que l’instant d’une seconde.
— C’est ma foi vrai, s’exclama Neb-Amon.
Une sauterelle ! Elle vient du fleuve et a dû s’égarer. Allons, Nedjar, il
faut trouver un moyen pour réparer l’essieu ou nous allons périr dans ce satané
désert auquel je ne suis guère habitué.
Les deux hommes étudièrent le moyen de se
tirer d’affaire et soudain, Neb-Amon eut l’idée de réintroduire la barre de
bois dont le bout était cassé dans le moyeu de la roue en laissant à ras bord
chaque extrémité. Le système restait fragile, mais tenait.
— J’espère que nous n’aurons pas à le
remettre en place à chaque tour de roue, fit Nedjar en jurant de nouveau.
Ils repartirent, mais durent encore s’arrêter.
La crainte de Nedjar s’avéra juste. La barre sautait du moyeu tous les
cinquante tours de roue environ.
L’évidence de la situation s’alourdissait de
plus en plus. Ou bien ils étaient condamnés à poursuivre leur chemin, s’arrêtant
chaque minute pour replacer l’essieu qui glissait de son support ou bien ils
devaient attendre qu’une caravane passe.
— Je ne comprends pas, maugréa le médecin
de plus en plus soucieux, l’armée de Thoutmosis devait partir de Thèbes le même
jour que nous. Alors, où est-elle ? Elle devrait avoir largement dépassé l’endroit
où nous sommes.
— Le prince et sa troupe ont peut-être
pris un autre chemin.
— Je ne vois pas lequel, à moins qu’au
dernier moment ils aient décidé d’emprunter le fleuve.
S’arrêtant tous les cinquante tours de roue,
ils arrivèrent tout de même à la hauteur de Kom Ombo. Hélas, un quart du trajet
seulement avait été effectué depuis le départ de Thèbes et, cette fois, ils n’avaient
plus une seule goutte d’eau. C’était l’issue fatale si les dieux d’Égypte ne
venaient pas à leur secours.
Deux jours plus tard, ils n’avaient ni la
force de
Weitere Kostenlose Bücher