L'ultime prophétie
». Nous sommes forcés d'éviter
leurs patrouilles et de reculer, au risque de permettre à Alezzi de nous
trouver et d'évaluer nos forces. Si nous n'arrivons pas à le convaincre, nos
chances de l'emporter sur le champ de bataille sont minces, j'en ai peur.
— Nous devons disperser le gros de nos troupes, dit Jenah.
Tuzza secoua la tête.
— Le risque est trop grand. Alezzi pourrait tomber sur
chaque groupe séparément et les écraser un à un.
— Tu oublies les Ilduins. Elles étaient notre avantage au
cours de la campagne précédente. Nous avions séparé nos troupes alors et
communiquions par leur intermédiaire. Nous avons ainsi été en mesure de
coordonner nos mouvements et de rassembler les hommes dès que cela devenait
nécessaire.
— Il a raison, dit Ratha à Tuzza. Tu dis que nous ne
pouvons gagner de petites frappes mais cela devient possible si nous créons une
diversion que les patrouilles iront rapporter à Alezzi. Il nous faut les éviter
pendant un jour seulement, n'est-ce pas ?
— Oui, dit Tuzza. Dès demain, la légion sera là et
nous pourrons lui parler.
— Alors, battons en retraite maintenant. En trois groupes
distincts, assez éloignés pour que les patrouilles ne puissent nous atteindre
avant la nuit. Ensuite, nous dirons à chaque escouade de monter une tente et de
faire un feu.
Tuzza sourit.
— Les patrouilles d'Alezzi n'attaqueraient pas un groupe
si important. Elles iront avertir Alezzi qu'il est en infériorité numérique.
Ainsi, nous évitons l'affrontement et lui donnons une raison de plus de ne pas
combattre nos principales troupes. Le stratagème est brillant.
— Très bien, nous sommes d'accord, dit Jenah. Donnons des
ordres en conséquence. Les Loups des Neiges ne failliront pas.
— Non, dit Tuzza, se sentant mieux qu'il ne l'avait été
depuis longtemps. Nous ne faillirons pas.
La main d'Ezinha serra l'épée plus fort, trahissant tension
et appréhension. Bien qu'il eût effectué le service militaire requis dans
l'armée bozandari, il y avait été médecin et non soldat. Il n'avait jamais tué
un homme et n'était pas certain d'en être capable. Et malgré tout, il le
savait, cette nuit, il pourrait bien être contraint à le faire.
Le comte Drassa Langel, le ministre de la Guerre de l'empereur, avait exhorté la Cour à déclarer les rebelles anari coupables de trahison.
Ils risquaient désormais la peine de mort et en leur absence, la sentence
serait appliquée à leurs familles. L'empereur avait en outre déclaré la loi
martiale et les troupes de Langel patrouillaient à présent la ville avec une
brutale efficacité, arrêtant les Anari dont les proches étaient soupçonnés de
participer à la rébellion.
Les insoumis avaient jusqu'au lendemain midi pour se rendre.
S'ils refusaient, plus d'un millier d'Anari — y compris des femmes et des enfants
— seraient empalés par toute la ville et abandonnés à une mort lente et
ignoble. Leurs corps desséchés par la soif et brûlés par le soleil seraient la
proie des animaux et serviraient d'avertissement à ceux qui envisageraient de
défier la couronne de Bozandar. Aucune rue de la ville n'échapperait aux cris
des agonisants, ni à la puanteur des cadavres.
Ezinha connaissait Langel depuis longtemps, le comte ayant
été un ami de son père. Et comme son père, Langel était un homme dur et cruel.
Il ne bluffait donc aucunement. En outre, Ezinha soupçonnait que la
capitulation des rebelles ne retarderait pas les exécutions. Si les Anari
refusaient de se comporter en esclaves dociles, Langel n'hésiterait pas à les
exterminer jusqu'au dernier.
Mihabi et les autres rebelles le savaient également. Ils ne
se rendraient pas et Ezinha n'avait pas contesté leur décision. Trois cents
rebelles se cachaient à présent sur son domaine et il savait qu'au moins cinq
autres maisons bozandari en accueillaient autant. Leurs chefs s'étaient réunis
en conseil de guerre chez lui. Il ne voyait pas d'autre solution. Il valait
mieux mourir en luttant pour leurs vies et leur liberté que d'agoniser sur un
pieu de bois pendant des jours.
Faute de formation militaire, les rebelles avaient établi un
plan simple, basé sur les positions des troupes de Langel. Celles-ci avaient
bâti une douzaine de campements à travers la ville, dont chacun comptait une
centaine de prisonniers anari, sous la garde d'une compagnie de légionnaires
bozandari.
Mais tous les
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